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Tensions

Au Kosovo, des hommes armés un temps retranchés dans un monastère après la mort d’un policier

Le Premier ministre kosovar a fustigé ce dimanche 24 septembre une attaque du «crime organisé» soutenue par la Serbie, tandis que le président serbe dénonçait des «mensonges». La situation est finalement redevenue calme en début de soirée.
Une patrouille de la Force de l'Otan pour le Kosovo approchait un véhicule de police près du village de Banjska, dimanche 24 septembre 2023. (Photo/AFP)
publié le 24 septembre 2023 à 14h59
(mis à jour le 24 septembre 2023 à 19h49)

Des hommes armés retranchés dans un monastère, un policier tué et des balles qui fusent : la situation dans le nord du Kosovo ce dimanche 24 septembre était chaotique. Le Kosovo a fustigé le «crime organisé soutenu par des responsables à Belgrade», et la Serbie les «mensonges» de Pristina. «Il y a au moins 30 professionnels, soldats ou policiers armés, qui sont actuellement encerclés par nos forces de police et que j’invite à se rendre», assurait à la mi-journée le Premier ministre, Albin Kurti.

«Ce ne sont pas des civils», a-t-il affirmé, «mais des professionnels, policiers ou militaires, qui se trouvent dans et autour d’un monastère». Mais à l’intérieur de l’édifice religieux, se seraient aussi trouvés «un groupe de pèlerins venus de Novi Sad [en Serbie, ndlr] avec un abbé», selon un communiqué du diocèse. Pour leur sécurité, ils se sont enfermés à l’intérieur après que des hommes masqués «ont pris d’assaut le monastère de Banjska dans un véhicule blindé, et ont forcé la porte».

La situation est finalement redevenue calme en début de soirée, selon le ministre de l’Intérieur kosovar : «Nous avons repris le contrôle de cette zone, après plusieurs batailles.» Trois assaillants ont été tués, a précisé le ministre, qui a également annoncé l’arrestation de deux hommes blessés qui étaient en «uniforme», sans plus de détails, et quatre autres qui offraient un soutien au groupe. Ces derniers ont été arrêtés en dehors de la zone du monastère.

Selon la loi, les autorités kosovares ne peuvent exercer leur pouvoir dans les églises et monastères orthodoxes sans un accord de l’Eglise - sauf en cas d’urgence comme un incendie ou un tremblement de terre. La KFOR, force de maintien de la paix de l’OTAN au Kosovo, «est présente et prête à intervenir si on lui demande», selon son dernier communiqué, qui précise que la police kosovare est responsable de la gestion de la situation.

A l’origine des violences, la mort d’un policier

Cette nouvelle éruption de violence, après celle du mois de mai, a commencé tôt dimanche lorsqu’un policier a été tué alors qu’il patrouillait près de la frontière avec la Serbie. Il se rendait près d’une route signalée comme bloquée lorsque son unité «a été attaquée depuis différentes positions à l’arme lourde, notamment avec des grenades», selon la police. Un de ses collègues a été blessé. Albin Kurti a immédiatement fustigé une attaque «criminelle et terroriste», et accusé «des responsables de Belgrade» d’offrir un soutien logistique et financier «au crime organisé».

«C’est une attaque contre le Kosovo», a abondé la présidente, Vjosa Osmani. «Ces attaques prouvent s’il en était encore besoin le pouvoir de déstabilisation des gangs criminels, organisés par la Serbie, qui déstabilisent le Kosovo et la région depuis longtemps», a-t-elle écrit dans un communiqué.

Le président serbe, Aleksandar Vucic, a lui annoncé qu’il prendrait la parole dans l’après-midi pour «déboulonner tous les mensonges et théories du complot d’Albin Kurti, qui ne crée que le chaos et l’enfer» au Kosovo. L’Union européenne a condamné via un message sur X (ex-Twitter) de son chef de la diplomatie, Josep Borrell, «l’horrible attaque contre les officiers de police à Banjska dans le nord du Kosovo. Les responsables devront être jugés».

De crise en crise

Depuis un conflit qui a fait 13 000 morts, en majorité des Kosovars albanais, les relations entre les deux anciens ennemis vont de crise en crise. La Serbie, soutenue notamment par ses alliés russe et chinois, refuse de reconnaître l’indépendance de son ancienne province, dont la population d’1,8 million d’habitants, très majoritairement d’origine albanaise, comprend une communauté serbe d’environ 120 000 personnes, qui vit essentiellement dans le nord du Kosovo.

Cette région est ainsi le théâtre de violences récurrentes, les dernières remontant au printemps, lorsque les autorités kosovares ont décidé de nommer des maires albanais dans quatre municipalités à majorité serbe. Cela a déclenché l’un des pires épisodes depuis des années, avec des manifestations, l’arrestation de trois policiers kosovars par la Serbie et une violente émeute de manifestants serbes qui a fait plus de 30 blessés parmi les forces de maintien de la paix de l’Otan.

La communauté internationale a enjoint les deux parties à la désescalade à plusieurs reprises, et souligné que l’accession à l’Union européenne de Belgrade et Pristina pourrait être mise en péril par ces regains de violence. Mais les dernières tentatives de discussions entre le Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, et le président serbe, Aleksandar Vucic, ont échoué mi-septembre après à peine quelques heures.

La Serbie souhaite en préalable à toute discussion obtenir une forme d’association des communautés serbes dans le nord, tandis que la partie kosovare a comme pré-requis la reconnaissance par Belgrade de l’indépendance du Kosovo.

Mise à jour à 19 h 50 : la situation est redevenue calme.