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Ecologie

Au Royaume-Uni, Greenpeace drape d’un tissu noir le manoir du Premier ministre Rishi Sunak

Pour protester contre un nouveau plan d’exploitation d’hydrocarbures autorisé par le chef du gouvernement britannique, l’ONG a ciblé sa résidence privée pour la deuxième fois en moins d’un an.
Les activistes de Greenpeace ont recouvert le manoir de Rishi Sunak d'un voile «noir pétrole», dans le Yorkshire, ce jeudi 3 août. (Greenpeace/via Reuters)
publié le 3 août 2023 à 18h01

Le soleil est à peine levé dans le Yorkshire, au nord de l’Angleterre, ce jeudi matin. Vêtu de blousons rouges floqués «Greenpeace», un commando d’une dizaine de personnes, casquées et harnachées, s’élance vers un gigantesque manoir, échelles en main. La villa appartient au Premier ministre britannique, Rishi Sunak, qui s’est envolé la veille pour des vacances en Californie. Quelques minutes plus tard, les activistes sont sur le toit du manoir et déroulent un immense voile «noir pétrole» de 200 mètres carrés recouvrant totalement la façade de la maison. «Rishi Sunak – les profits pétroliers ou notre avenir ?» peut-on lire sur une bannière brandie par deux militants.

Greenpeace a déclaré que l’action visait à empêcher le Premier ministre conservateur d’approuver le forage de Rosebank, le plus grand champ pétrolier et gazier inexploité de la mer du Nord. Bien décidé à «maximiser» les réserves nationales d’hydrocarbures, Rishi Sunak a annoncé lundi que des centaines de nouvelles exploitations pétrolières et gazières seraient autorisées au large du Royaume-Uni, de quoi extraire jusqu’à 500 millions de barils de pétrole.

Feu vert aux forages pétroliers

C’est la deuxième fois en quatre jours que Rishi Sunak utilise le sujet du pétrole pour amadouer l’électorat du parti conservateur, largement opposé à la fin de la vente des voitures thermiques d’ici 2030, planifiée par le gouvernement britannique. Dimanche, le Premier ministre avait ordonné le réexamen des zones à ultra-faible émission (Ulez), qui, à travers une taxe pour les véhicules les plus polluants, visent à limiter les émissions de gaz d’échappement en ville. Le feu vert donné par Rishi Sunak aux forages pétroliers a suscité une nouvelle levée de boucliers des ONG de défense de l’environnement, dont Greenpeace. «Nous constatons aujourd’hui les véritables impacts du changement climatique, comme des feux de forêt partout en Europe, des inondations et des sécheresses. A l’heure actuelle, il nous faut un leader climatique, pas quelqu’un qui attise les feux en optant pour davantage d’exploitations d’hydrocarbures, que tout le monde sait responsables de l’urgence environnementale actuelle», tonne Ami McCarthy, responsable de la campagne de l’ONG.

A l’approche des élections générales britanniques attendues fin 2024 ou début 2025, le Premier ministre n’hésite pas à revenir en arrière sur ses engagements en matière d’environnement, dans l’espoir de séduire les plus fidèles des électeurs tories. Tous les sondages des derniers mois prévoient une défaite cuisante pour le parti conservateur, au pouvoir depuis 2010, face aux travaillistes de Keir Starmer.

Justice sociale

Pour justifier son plan, Rishi Sunak a fait valoir que ces hydrocarbures «made in the UK» éviteraient d’importer du pétrole et du gaz des pays étrangers, favorisant ainsi l’économie britannique. Un non-sens, tranche Ami McCarthy : «Le pétrole extrait dans la mer du Nord n’appartient pas au Royaume-Uni, mais à des entreprises privées comme Shell et BP ! En fait, 80 % de tout le pétrole de la mer du Nord est exporté et vendu au prix le plus élevé que les firmes puissent obtenir. Notre Premier ministre donne la priorité aux pollueurs qui enregistrent des bénéfices records, au détriment des habitants du pays qui n’ont pas les moyens de payer leurs factures d’énergie.»

Les questions de pouvoir d’achat et de changement climatique, Greenpeace en fait un seul et même combat de justice sociale. Au Royaume-Uni, «nos maisons sont les plus anciennes d’Europe occidentale, ce qui signifie que les gens payent ces factures exorbitantes et qu’une grande partie de l’énergie est perdue dans des passoires thermiques». Face à ces problèmes, l’ONG défend deux solutions : «investir massivement dans l’efficacité énergétique du parc immobilier ainsi que dans les énergies renouvelables». En novembre 2022, moins d’un mois après l’arrivée de Rishi Sunak au 10 Downing Street, l’ONG avait déjà ciblé le même manoir du Premier ministre, sa résidence privée, et projeté sur sa façade la bande-annonce de The Cost of Living, un court métrage dénonçant la précarité climatique.