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Etude

Au Royaume-Uni, la lutte contre les violences faites aux femmes est une «urgence nationale»

Selon une étude d’ampleur réalisée par la police britannique, près de 2 millions de femmes et filles sont victimes de violences chaque année outre-Manche.
Seulement 24% des violences domestiques sont déclarées, selon les chiffres de la police britannique. (Halfpoint Images/Getty Images)
publié le 26 juillet 2024 à 17h21

Elles seraient plus de 2 millions à subir chaque année des violences perpétrées par des hommes, une «épidémie» qui constitue «une urgence nationale», avertissent les responsables de la police d’Angleterre et du pays de Galles, dans un rapport publié mardi 23 juillet. Ce document constitue la première étude de ce type et de cette ampleur, à l’échelle nationale, au Royaume-Uni. Pendant la récente campagne pour les élections générales de mai, le nouveau Premier ministre, Keir Starmer, leader du Parti travailliste, avait placé la lutte contre ces violences parmi les cinq priorités de son programme et promis de «réduire de moitié les violences à l’égard des femmes et des filles» en une décennie.

«Nous aspirons à une situation où une réponse pénale aux violences faites aux femmes est le dernier recours», a déclaré Maggie Blyth, directrice générale adjointe du College of Policing, organisme de formation des forces de l’ordre, estimant que la société doit changer et ne plus considérer ce type de violences comme «inévitables». Le rapport de 70 pages, publié par le National Police Chiefs’ Council (NPCC), qui regroupe les chefs des différentes forces de police du Royaume-Uni, dévoile ces chiffres affolants et propose des mesures pour renforcer la lutte contre les viols et infractions sexuelles graves, la violence domestique, le harcèlement, l’exploitation sexuelle des enfants et la violence à l’égard des femmes en ligne.

Déjà, en février 2023, le ministère britannique de l’Intérieur avait estimé que l’augmentation des violences faites aux femmes enregistrées par les forces de l’ordre – en hausse de 37% entre 2018 et 2023 – représentait une «menace nationale à la sécurité publique». L’enquête a dénombré plus d’un million de cas de violences sexuelles et sexistes enregistrés entre avril 2022 et mars 2023, soit 3 000 par jour. Chaque année, au moins une femme sur 12 est victime de violences sexuelles et un homme sur 20 est agresseur, selon le rapport.

«Nous ne voyons souvent que la partie émergée de l’iceberg»

Pourtant, ces chiffres sont largement «en-dessous» de la réalité, note le NPCC, qui souligne qu’une «grande partie des crimes ne sont pas signalés et, dans les services de police, nous ne voyons souvent que la partie émergée de l’iceberg». Le rapport estime que le nombre de victimes serait sans doute plus proche des 2 millions de cas par an. Selon Louisa Rolfe, la responsable nationale chargée des violences domestiques et commissaire adjointe de la police métropolitaine, citée par le Guardian, le nombre pourrait même atteindre «4 millions de victimes». Le service de presse du NPCC, contacté par Libération, confirme que «seulement 24% des violences domestiques sont déclarées».

Au cours des dernières années, la police a opéré des changements importants dans sa manière de lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, qu’elle appelle à traiter «aussi sérieusement que le terrorisme», explique le journal The Times. Elle a lancé en 2023 l’opération «Soteria», qui a diffusé à travers les 43 forces de police locales de Grande-Bretagne un modèle d’opération national pour les enquêtes et les poursuites engagées dans des affaires de viols et d’agressions sexuelles graves, et formé 4 500 policiers supplémentaires sur ce type de crimes. Des formations qui portent leurs fruits, selon la police, car le rapport pointe une augmentation de 25% des arrestations et de 38% de plaintes pour les viols sur des adultes au cours de l’année dernière.

Mais l’ampleur du phénomène nécessite une approche «globale», c’est-à-dire, la participation de la justice, du gouvernement, du secteur privé et des associations à la mise en place de nouvelles mesures, souligne le rapport, pour qui «l’application de la loi ne peut à elle seule réduire l’ampleur et l’impact de la violence à l’égard des femmes». L’enquête insiste particulièrement sur le «partenariat» entre la police et le système judiciaire pénal. Elle s’inquiète des délais de jugements très longs et des prisons aux capacités d’accueil sous pression. Blyth appuie : «Nous savons que les victimes attendent beaucoup trop longtemps un résultat de la justice pénale. Et nous savons que certaines disparaissent au cours de ce processus.»

Jess Phillips, nouvelle secrétaire d’Etat britannique chargée de la Protection des femmes contre les violences domestiques, a réagi à la publication du rapport en insistant sur le fait que les violences faites aux femmes représentent «une menace à notre sécurité et prospérité».