Menu
Libération
Addictions

Au Royaume-Uni, l’utopie d’une interdiction totale du tabac

Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé ce mercredi 4 octobre son intention d’étendre l’interdiction de la vente de cigarettes.
A Londres, en 2019. (Peter Summers/Getty Images. AFP)
publié le 4 octobre 2023 à 18h10

«Nous devons essayer d’empêcher les adolescents de commencer à fumer.» Le chef du gouvernement britannique a annoncé ce mercredi 4 octobre vouloir étendre l’interdiction de la vente de cigarettes au Royaume-Uni. Avec pour objectif ultime – probablement utopique – un pays sans tabac. «Je propose qu’à l’avenir nous augmentions l’âge [légal] pour fumer d’un an chaque année», a déclaré Rishi Sunak lors d’un discours au congrès de son parti à Manchester. Dans un pays où l’âge légal pour acheter des cigarettes est de 18 ans, cela signifierait «qu’un jeune de 14 ans aujourd’hui ne se verra[it] jamais vendre légalement une cigarette», a-t-il précisé, allant jusqu’à évoquer une «génération sans tabac».

Base du raisonnement du Premier ministre : «Quatre fumeurs sur cinq ont commencé avant d’avoir 20 ans.» Selon un communiqué de Downing Street, cette mesure «pourrait permettre d’éliminer presque complètement le tabagisme chez les jeunes dès 2040». «Le relèvement de l’âge légal pour acheter du tabac est une étape importante pour protéger les enfants et les jeunes contre la dépendance», s’est félicité Nick Hopkinson, professeur de médecine respiratoire à l’Imperial College de Londres, appelant aussi à aider les fumeurs à arrêter leur consommation de tabac. «C’est une nouvelle formidable et qui pourrait devenir l’une des mesures de santé publique les plus importantes en une génération», a abondé Jamie Brown, directeur du groupe de recherche sur l’alcool et le tabac.

Si l’annonce paraît ambitieuse sur le papier, difficile de quantifier par avance l’efficacité d’une telle interdiction. D’autant que «le tabagisme ne sera pas criminalisé et notre approche progressive signifie que toute personne qui peut légalement acheter des cigarettes aujourd’hui ne sera pas empêchée de le faire à l’avenir», précise le communiqué. Sans oublier le risque évident de développement de trafics clandestins.

Un décès par cancer sur quatre

Reste que le tabagisme est la principale cause de mortalité évitable au Royaume-Uni, indique également Downing Street. Il est à l’origine d’environ un décès par cancer sur quatre. Quant aux coûts engendrés, notamment pour le système de santé, «s’élèvent à 17 milliards de livres sterling chaque année», soit près de 20 milliards d’euros.

Si ces mesures sont adoptées, le Royaume-Uni suivra l’exemple de la Nouvelle-Zélande, qui met progressivement en œuvre une interdiction quasi-totale du tabac en empêchant quiconque né après 2008 d’acheter des cigarettes, et ce indéfiniment, ainsi qu’en réduisant la quantité de nicotine dans les produits disponibles à la vente. Le gouvernement britannique a également annoncé ce mercredi une consultation sur le vapotage, afin d’en limiter l’attrait et l’accès pour les jeunes. «Le vapotage chez les jeunes a triplé au cours des trois dernières années, indique Downing Street. Nous devons agir avant que le phénomène ne devienne endémique.»

En Bourse, les groupes de cigarettiers ont décroché après l’annonce du Premier ministre, l’action British American Tobacco perdant 1,81 % et Imperial Brands chutant de 3,42 % vers 15 heures, heure locale. Un porte-parole d’Imperial Brands, propriétaire des marques Gauloises ou Winston, cité par l’agence PA, a assuré «comprendre» la volonté du gouvernement de lutter contre les risques pour la santé associés au tabac, mais a prévenu que «comme toute prohibition, [cette mesure] risque d’avoir des conséquences indésirables importantes».