Il est de retour. L’image de l’avion British Airways transportant Boris Johnson ce samedi matin, qui se pose sur le tarmac de l’aéroport de Gatwick, à Londres, est, comme toujours avec lui, sensationnelle. Ce retour précipité de vacances en famille dans les Caraïbes de l’ancien Premier ministre, suivi en direct par des milliers de personnes sur les applications de «flight tracking», est un énième rebondissement dans le soap opera qu’est devenu le parti conservateur. Sac sur le dos, costume noir, chemise blanche mal rentrée dans le pantalon, cheveux toujours aussi blonds et en désordre, «Boris» descend de l’avion, se tourne vers les photographes et les salue de la main.
Boris Johnson avait prévenu, en donnant les clés du 10, Downing Street à Liz Truss début septembre, qu’il n’en resterait pas là. Vexé de s’être fait sortir par ses pairs, il s’était alors comparé au consul romain Cincinnatus que l’on avait supplié, au Ve siècle avant JC, de reprendre les rênes du pouvoir pour éviter une invasion. Mais était-ce le bon moment pour jouer à l’homme providentiel ? Lui qui, toujours député d’Uxbridge, s’est offert des vacances en République dominicaine en pleine session parlementaire, tournant le dos aux problèmes de son pays ? Il n’a même pas participé au vote crucial sur un amendement demandant l’interdiction de la fracturation hydraulique, mercredi dernier.
Pro-Boris et pro-Rishi
Pour survivre jusqu’aux prochaines élections générales, prévues fin 2024, le parti conservateur a besoin d’un leader qui rassemble. Trois candidats émergent : Boris Johnson, Rishi Sunak et Penny Mordaunt, pour l’instant la seule à avoir officialisé sa candidature. Cette dernière attire par sa fraîcheur, mais reste loin derrière ses rivaux. Chaque candidat a jusqu’à lundi après-midi pour obtenir au moins cent parrainages parmi les 357 députés conservateurs. La guerre des clans est déclarée entre les pro-Boris et les pro-Rishi – Rishi Sunak étant l’ex-ministre des Finances de Boris Johnson, arrivé derrière Liz Truss à l’élection cet été. Il se fait discret depuis sa défaite et prépare lui aussi, en coulisses, son retour. Autrefois alliés, les deux hommes se détestent. Rishi Sunak est vu comme «celui qui a planté un couteau dans le dos de Boris» en démissionnant de façon fracassante, en juillet dernier. Or, chez les conservateurs, on n’aime pas les traîtres.
Rishi Sunak est pourtant le premier à avoir obtenu plus de cent parrainages, samedi 22 octobre. «Nous ne pouvons pas revenir en arrière», assure Dominic Raab, ex-ministre des Affaires étrangères sous Johnson. Il rappelle que son ex-boss fait toujours l’objet d’une enquête de la part du Comité des privilèges dans le cadre des scandales du «Partygate», pour savoir si Boris Johnson a induit le Parlement en erreur. «Nous avons besoin d’un Premier ministre qui se concentre sur les problèmes de ce pays», poursuit Dominic Raab. Rishi Sunak, par ailleurs, est très apprécié des cercles financiers. Lui qui, tout l’été, avait raillé Liz Truss sur son programme économique basé sur la croissance et la baisse des impôts. L’histoire lui aura donné raison. Il était apparu comme le candidat responsable, en faveur de la réduction de la dette du pays, mais mal-aimé par la base des électeurs conservateurs, qui avaient préféré les airs de Thatcher que se donnait Liz Truss. Mais face à Boris, aura-t-il ses chances ?
Verdict des urnes
Si les deux candidats parviennent à réunir cent parrainages chacun (le clan Boris a affirmé qu’il en avait remporté 100, ce que contestent ses rivaux), ils devront se soumettre au verdict des membres du parti et apprendre à vivre ensemble. Les militants tories, environ 150 000, auront jusqu’au vendredi 28 octobre pour les départager. Or, Boris Johnson, malgré toutes ses «casseroles», est toujours très populaire dans sa base. Il reste considéré comme celui qui a remporté une majorité exceptionnelle lors des élections générales de 2019 et qui a réalisé le Brexit grâce à son pouvoir de séduction.
Clin d’œil du calendrier, c’est le jour du retour de Boris que des milliers de manifestants pro-UE ont marché dans les rues de Londres ce samedi après-midi : le premier défilé depuis que la sortie de l’Union européenne est devenue réalité. Une pression de plus pour les conservateurs. Leur hantise : des élections anticipées qu’ils perdraient à plate couture face aux travaillistes. Alors pour certains parlementaires, la solution serait que «Cincinnatus», alias Boris, en cas de victoire, inclue «Brutus», alias Rishi, dans le gouvernement. Dans tous les cas, BoJo is back.