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Au Royaume-Uni, les jeunes médecins lancent la plus longue grève de l’histoire du système de santé

Les 70 000 «junior doctors» du pays ont entamé ce mercredi 3 janvier une grève qui durera six jours. Ils réclament des augmentations de salaires et plus de moyens pour le National Health Service.
Des membres de la British Medical Association, principal syndicat de médecins anglais, en grève le matin du 3 janvier 2024 à Londres. (Justin Tallis /AFP)
publié le 3 janvier 2024 à 15h54

C’est la plus longue grève de l’histoire du système de santé britannique – le National Health Service (NHS), fondé en 1948 – dans un bras de fer qui dure depuis plus d’un an. Ce mercredi matin 3 janvier à 7 heures, les junior doctors britanniques, ces jeunes médecins au statut proche de celui des internes en France, ont cessé le travail pour six jours afin de réclamer, une nouvelle fois, des augmentations de salaire et de «sauver le NHS», selon les termes utilisés par le principal syndicat, la British Medical Association (BMA).

Qui fait grève et pourquoi ?

La grève de ces prochains jours ne concerne que les junior doctors, les jeunes diplômés ayant entre un et neuf ans d’expérience et pas encore le statut de titulaire. Ils sont environ 70 000 au Royaume-Uni et répondent à l’appel à la grève de la BMA et de la Hospital Consultants and Specialists Association. Les étudiants en médecine et les autres membres du personnel médical, eux, ne sont pas censés rejoindre leurs collègues sur les piquets de grève pendant leurs heures de travail.

Depuis plus d’un an, les deux syndicats réclament une augmentation des salaires de base pour rattraper l’inflation et endiguer la crise des vocations qui paralyse un système de santé sous-financé et à l’agonie. Symboles de ces difficultés, les infirmières avaient cessé le travail en décembre 2022 pour la première fois en un siècle.

Selon le gouvernement, un médecin débutant gagne environ 32 000 livres sterling (37 000 euros) lors de sa première année d’exercice. Mais d’après la BMA, qui compte dans ses rangs 46 000 juniors, les salaires des débutants ont baissé de près d’un quart depuis 2008 si on prend en compte l’inflation. Elle réclame donc une augmentation suffisante pour résorber ces pertes et un nouveau système de paie qui, à l’avenir, prendrait en compte l’inflation.

Sentant la menace gronder à l’automne, le ministère de la Santé a négocié pendant cinq semaines pour tenter de débloquer la situation. Il a fini par proposer une hausse de salaire de 3 % début décembre, en plus de celle de 8,8 % en moyenne déjà accordée à l’été. Pas suffisant pour la BMA. Selon elle, «le gouvernement ne s’est pas montré capable de présenter une offre crédible» en mesure d’enrayer la baisse du pouvoir d’achat.

En septembre et en octobre, les consultants, les médecins plus aguerris, s’étaient joints à la grève et avaient accepté, eux, une augmentation de salaire supplémentaire de 4,95 % en plus de la hausse annuelle de 6 % qui leur était déjà proposée par le gouvernement.

Quelles sont les conséquences sur le système de santé ?

Cette nouvelle grève intervient alors que le NHS connaît une hémorragie de personnels et peine à résorber les gigantesques listes d’attente pour les patients. Ils seraient plus de 1,2 million à avoir vu leurs rendez-vous annulés ou décalés depuis décembre 2022 du fait des mouvements sociaux successifs. Le NHS s’inquiète des conséquences de cette nouvelle réplique sociale en pleine période hivernale, expliquant que la «quasi-totalité des soins de routine seront perturbés» avec une priorité donnée aux soins d’urgence.

«Cette action aura non seulement un impact énorme sur les soins planifiés, mais elle s’ajoute à une série de pressions saisonnières telles que le Covid, la grippe et les absences du personnel pour cause de maladie, qui affectent la manière dont les patients sont pris en charge dans les hôpitaux», a déploré dans un communiqué Stephen Powis, directeur médical du NHS.

«Nous sommes prêts à avoir de nouvelles discussions, mais la première chose à faire est de mettre fin à cette grève», a déclaré mardi 2 janvier un porte-parole du Premier ministre conservateur Rishi Sunak, soulignant que 88 000 rendez-vous médicaux ont été annulés lors des trois journées de grève en décembre. Ce mois de janvier pourrait être «l’un des pires débuts d’année» que le NHS ait connu, a averti Stephen Powis, qui a appelé les malades à ne pas renoncer aux soins pour autant.

Au total, le NHS, fondé sur les mêmes principes généraux (universalité, gratuité, accès à des soins complets) que le système de santé français, estimait à la mi-décembre que 6,44 millions de personnes étaient dans l’attente d’une prise en charge pour des soins non urgents. Un chiffre qui a plus que doublé par rapport à la période d’avant Covid-19.