L’alliance de la droite avec l’extrême droite file bon train en Autriche. Dimanche 5 janvier, au lendemain de l’annonce de la démission du chancelier conservateur, le nouveau chef par intérim de l’ÖVP Christian Stocker a annoncé avoir été autorisé à entamer des négociations pour former une coalition avec le parti de la liberté d’Autriche (FPÖ, extrême droite. «Ce pays a besoin d’un gouvernement stable aujourd’hui, et nous ne pouvons continuer de perdre un temps que nous n’avons pas dans des campagnes électorales ou des élections», a-t-il commenté. Une évolution notable, longtemps exclue en raison du refus de l’ancien chancelier de travailler avec le leader du FPÖ Herbert Kickl.
«Une nouvelle voie s’est ouverte»
Nouvelle donne également au niveau de la présidence, tenue par l’écologiste Alexander Van der Bellen, qui avait auparavant indiqué qu’il allait rencontrer lundi Kickl, pour «discuter de la nouvelle situation». «Les voix au sein de l’ÖVP qui excluaient de travailler avec [...] Kickl se sont fait beaucoup plus discrètes», a dit le président à la presse. «Cela signifie qu’une nouvelle voie qui n’existait pas auparavant s’est ouverte.» Une prise de position dont s’est réjoui Christian Stocker, même si Alexander Van der Bellen n’a pas annoncé qu’il allait demander à l’extrême droite de tenter de former un gouvernement.
La veille, le chancelier Karl Nehammer avait annoncé qu’il claquerait la porte «dans les prochains jours», faute d’avoir pu construire un accord avec les sociaux-démocrates pour former le prochain gouvernement. «Après la rupture des négociations de coalition, je […] quitterai à la fois mes fonctions de chancelier et de président du Parti populaire dans les prochains jours et permettrai une transition ordonnée», avait indiqué le dirigeant du Parti populaire autrichien, au pouvoir depuis 1987 (soit en majorité, soit en minorité), dans un message posté sur X. Mettant ainsi fin à une situation inextricable depuis les résultats des législatives du 29 septembre 2024, qui avait vu l’de trois mois après les élections législatives du 29 septembre dernier.
«Rempart contre les radicaux»
Remportées par le parti d’extrême droite fondé par d’anciens nazis, avec 28,8% des voix, elles avaient plongé le pays dans la crise politique, la formation se montrant incapable de trouver des alliés pour former une coalition. L’ÖVP était arrivé en seconde position avec 26,3 % des voix, suivi par le Parti social-démocrate d’Autriche (SPÖ, centre-gauche) avec 21,1 %. Ces résultats avaient conduit Karl Nehammer à engager des discussions avec le SPÖ et Neos (9 % des suffrages) pour former un gouvernement centriste et faire barrage à l’extrême droite, mais les négociations à trois ont échoué vendredi avec le retrait de Neos.
Les deux partis restants avaient dit vouloir poursuivre le travail. Mais samedi, après 24 heures de nouvelles discussions, Nehammer avait annoncé sur X qu’un «accord avec le SPÖ est impossible sur des questions clés» et que «par conséquent», il mettait «fin aux négociations avec le SPÖ». Les principaux sujets de discorde cités par les médias autrichiens sont l’impôt sur la fortune, les droits de succession, les retraites, et des divergences sur la façon de contrôler le déficit budgétaire. Le chancelier avait déploré n’avoir pu créer une «force du centrisme politique afin de bâtir un rempart contre les radicaux». «J’ai la conviction profonde que les radicaux n’offrent pas la solution à un seul problème, mais ne vivent que pour souligner les problèmes», avait-il ajouté, affirmant s’être «toujours battu pour la stabilité», même si ce n’était «pas sexy en politique».
Les conservateurs proches de l’extrême droite «l’ont emporté»
Dans un communiqué, le chef du parti d’extrême droite Herbert Kickl avait qualifié de «losers» les partis impliqués dans les discussions de coalition. «Au lieu de la stabilité, nous avons le chaos» après trois «mois gâchés», avait-il ajouté. Le leader des sociaux-démocrates, Andreas Babler, avait estimé que ceux qui, au sein du parti conservateur, «ont toujours flirté» avec l’extrême droite «l’ont emporté», pointant le risque d’un «gouvernement FPÖ-ÖVP avec un chancelier extrémiste d’extrême droite». Risque qui se rapproche de sa concrétisation.
Analyse
Vendredi, le président Alexander Van der Bellen avait appelé l’ÖVP et le SPÖ à former un gouvernement «sans délai». L’écologiste avait initialement demandé aux conservateurs de former un gouvernement stable qui respecte les «fondations de notre démocratie libérale». Par le passé, il a plusieurs fois exprimé des réserves concernant le radical leader du FPÖ, Herbert Kickl. L’ancienne éminence grise du parti, allié du Rassemblement national au niveau européen, s’est notamment approprié la notion raciste de «remigration», avec comme projet de déchoir de leur nationalité et d’expulser des Autrichiens d’origine étrangère.
Si les conservateurs de l’ÖVP décident de former un gouvernement avec le FPÖ d’extrême droite, le président «doit se préparer à introniser Kickl comme chancelier», a prévenu l’analyste politique Peter Filzmaier. Si les deux partis n’engagent pas de discussions ou échouent à s’entendre, «il y aura de nouvelles élections», a-t-il ajouté. Des élections pour lesquelles les derniers sondages portent le FPÖ, qui n’a pas gouverné depuis 2019, à 35%.
Une coalition de trois partis pour former un gouvernement aurait été une première depuis 1949 en Autriche, où l’économie est en perte de vitesse tandis que le déficit public s’envole. Le chancelier conservateur avait déjà prévenu que les discussions de coalition, qui avaient commencé en octobre – initialement sans les libéraux –, s’annonçaient ardues.
Mise à jour dimanche à 18h47 avec l’accord des conservateurs à l’entame de négociations avec l’extrême droite