Impossible de rater les «Restos du cœur» de Palma, la capitale de la principale île des Baléares : à partir 12 h 30, tous les jours, une interminable file d’attente s’étire entre les rues Reina-Constança et Antoni-Ribas, à un quart d’heure à pied du centre historique. La cantine traditionnelle étant fermée pour cause de Covid-19, on vient chercher un repas à emporter dans des boîtes en plastique – ce jour, du poulet, des pâtes, des haricots et un yaourt. Au coin de la rue, une banque alimentaire en forme de supermarché où convergent d’autres familles. Le rythme est trépidant : la vingtaine de cuisiniers et de volontaires s’activent au mieux afin que tous puissent être servis. On y voit des immigrés africains, latino-américains mais aussi de nombreux Majorquins. Les yeux fixent le trottoir, comme pour dissimuler une gêne manifeste.
«La plupart des gens appartiennent aux classes populaires totalement prolétarisées, mais il y a aussi des petits entrepreneurs qui ont tout perdu», précise l’Argentine Carolina Senders, une des responsables de l’association Tardor. La pandémie est passée par là et cette organisation créée il y a dix ans pour lutter contre l’exclusion sociale a, dès la mi-mars 2020, vu s’abattre sur elle une tornade humaine. Les années précédentes, Tardor distribuait en moyenne 200 repas par jour. Ces derniers temps, ce serait plutôt 1 500, avec des pics à 1900. Quant à la banque alimentaire, le nombre de familles secourues a été multiplié par dix. «Chaque