«Pour tous les Africains qui viennent, je suis Mama Lorena», clame-t-elle non sans fierté. Assise en terrasse de son restaurant, Casa Juan, dans la rue principale de la bourgade, la quadragénaire contemple la jetée, au loin. «Tiens, le bateau de la police nationale qui s’active, il se passe quelque chose de louche au large. Peut-être un nouveau cayuco [embarcation de fortune des migrants qui tentent de gagner les Canaries depuis le littoral sénégalais, ndlr], d’autres pauvres diables qui ont tenté leur chance…» Fausse alerte. C’est avec un de ces arrivages de cayuco – le nombre d’exilés arrivés aCanaries ont plus que doublé sur les neuf premiers mois de 2024 par rapport à l’année précédente, selon des chiffres publiés en août par le ministère de l’Intérieur espagnol – que la vie de Lorena Machín, 47 ans, a été bouleversée.
«Un truc irrésistible»
C’était le 31 décembre 2020. Ce jour-là, à 15 heures, 53 personnes entassées débarquent sur cette même jetée, dans ce même petit port de La Restinga, à l’extrême sud de l’île d’El Hierro. Comme à chaque arrivée, ils sont transportés en autobus vers le Centre d’accueil pour étrangers (Cate) de San Andrés, à l’intérieur des terres. Lorena, qui tient l’un des meilleurs établissements pour déguster du poisson, est enrôlée pour nourrir les migran