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Antiracisme

Aux Pays-Bas, une manifestation anti-«blackface» à l’arrivée de Saint-Nicolas vire à l’affrontement

Des manifestants, qui protestaient ce samedi 18 novembre contre le grimage en noir d’un personnage folklorique, ont été attaqués par des centaines de personnes leur lançant des œufs et feux d’artifice, forçant la police à intervenir.
Des contre-manifestants, dont certains déguisés en "Zwarte Piet", le compagnon folklorique de Saint-Nicolas, sont tenus à l'écart du groupe "Kick Out Zwarte Piet", ce samedi à De Lier. (ANP. AFP)
publié le 18 novembre 2023 à 17h41

En théorie, la Saint-Nicolas est une fête joyeuse où l’on distribue des bonbons plutôt que des insultes. Mais aux Pays-Bas, la célébration prend ces dernières années une tournure plus tendue, avec la controverse entourant la figure de Zwarte Piet («Pierre noir», en français), le compagnon du saint barbu. Ce personnage est traditionnellement grimé de noir et affublé d’une coiffure afro, soit les ingrédients associés à la pratique raciste du «blackface».

C’est pour dénoncer la persistance de cet accoutrement folklorique que des manifestants se sont rassemblés dans le village de De Lier, ce samedi 18 novembre, au sud du pays, alors que plusieurs villes néerlandaises célèbrent ce week-end l’arrivée annuelle de Saint-Nicolas. Mais leur rassemblement a tourné vinaigre, quand des centaines de personnes les ont attaqués en leur lançant divers projectiles. Soit des biscuits, des feux d’artifice et des fumigènes, entraînant une intervention de la police.

Le rassemblement se tenait à l’appel du groupe «Kick Out Zwarte Piet» («Jetez Zwarte Piet Dehors»), créé en 2011, pour protester contre le défilé marquant l’arrivée de Saint-Nicolas dans le village. En effet, certains «Piets» étaient entièrement grimés de noir, tandis que d’autres restaient trop sombres selon le groupe. Chaque année, le groupe organise des manifestations, souvent sous haute tension, dans les villes où persiste cette tradition qu’il considère comme raciste, vestige de l’époque coloniale.

De nombreuses institutions ont renoncé au maquillage noir

Après une décennie de lutte pour l’abolition de Zwarte Piet, le combat a fait un bond en avant en 2020, marqué par le mouvement Black Lives Matter. Aujourd’hui de nombreuses écoles, chaînes de télévision publiques et rassemblements officiels ont décidé de ne plus grimer les Piets de noir, voire de le présenter sans aucun maquillage.

Certaines personnes persistent cependant - insistant sur le fait que la peau de son visage est noire simplement parce qu’il passe par les cheminées des maisons afin d’y déposer des cadeaux - mais «ce n’est qu’un petit groupe», a estimé l’anthropologue Markus Balkenhol sur l’antenne de la radio publique NOS. Il n’est pourtant pas rare de trouver dans les grands magasins du pays, par exemple la célèbre chaîne Hema, des kits de maquillage charbonneux destinés à se grimer en Zwarte Piet.

Les Pays-Bas se sont ces dernières années lancés dans un débat souvent difficile sur leur passé colonial qui en a fait l’un des pays les plus riches du monde. Le roi Willem-Alexander a présenté l’été dernier ses excuses officielles pour l’implication de son pays et de sa dynastie dans l’esclavage. Le Premier ministre sortant Mark Rutte avait présenté en décembre les excuses officielles du gouvernement pour l’esclavage, qu’il avait qualifié de «crime contre l’humanité».