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Ukraine

Avant une très hypothétique rencontre, Poutine et Zelensky ne s’accordent sur rien

Les présidents russe et ukrainien diffèrent sur le choix du lieu et dans leur vision des garanties de sécurité, mais il semble surtout que Moscou ne veut pas de cette rencontre.
Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky tentent de trouver un accord sur le lieu de leur rencontre. (HANDOUT/AFP)
publié le 21 août 2025 à 13h18

La perspective d’une rencontre entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, évoquée à répétition par Donald Trump ces derniers jours, a provoqué de nombreux froncements de sourcils chez les spécialistes de la région, tant l’hypothèse paraît improbable. Depuis trois ans et demi, le président ukrainien a souvent proposé une rencontre et des négociations à son homologue russe. Lequel a toujours fait la sourde oreille. Entraîné par sa rhétorique sur la «nazification» de l’Ukraine, le Kremlin refuse de considérer Zelensky comme un interlocuteur légitime.

Avec la «médiation» de Trump, le président russe a dû examiner – du moins lors d’échanges privés avec son homologue américain – la possibilité de rencontrer le dirigeant ukrainien. Il s’agissait de brosser Trump dans le sens du poil, qui a déjà accordé beaucoup à Moscou en serrant la main d’un Poutine recherché par la Cour pénale internationale et en envisageant que l’Ukraine cède une partie de ses territoires à la Russie. Mais la porte entrouverte par le sommet en Alaska et celui à Washington, trois jours plus tard, est déjà en train de se refermer.

«Conditions de sécurité»

Sans refuser ouvertement la rencontre avec Zelensky, pour ne pas mécontenter Trump, la diplomatie russe installe une rangée d’obstacles. Dans l’une de ses provocations familières, le Kremlin a proposé qu’elle se tienne… à Moscou. Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a ensuite indiqué que l’entrevue ne devait pas être précipitée pour ne pas déboucher sur une «détérioration de la situation».

Dans un entretien avec l’AFP, Zelensky a fait savoir qu’il était toujours prêt à rencontrer Poutine, mais qu’il n’entendait pas se présenter les mains vides, comme pour une capitulation. «Nous voulons parvenir à une compréhension de l’architecture des garanties de sécurité d’ici sept à dix jours. Et sur la base de cette compréhension, nous avons l’intention d’organiser une réunion trilatérale [avec Poutine et Trump, ndlr]», a-t-il indiqué. Il aimerait qu’elle se tienne «dans une Europe neutre», peut-être en Suisse, en Autriche ou en Turquie, là où ont déjà lieu les quelques séances de négociations russo-ukrainiennes.

Mais au-delà des querelles de lieux, les conditions de base pour une réunion sont loin d’être atteintes, tant l’Ukraine et la Russie ont des compréhensions différentes de ce que devraient être des «conditions de sécurité». Pour Kyiv, elles doivent dissuader toute nouvelle invasion russe une fois qu’une paix, ou a minima un cessez-le-feu, seront signés. La solution privilégiée par l’Ukraine, mais rejetée par la Russie et les Etats-Unis de Trump, serait de rejoindre l’Otan. Une option intermédiaire, revenue sur la table ces derniers jours, serait d’offrir au pays une clause de défense en cas d’agression, similaire à celle de l’article 5 du traité de l’Otan (qui prévoit une défense collective d’un Etat membre attaqué), mais sans faire entrer l’Ukraine dans l’Alliance.

Force de réassurance

La coalition des volontaires – cet ensemble d’une trentaine de pays alliés de l’Ukraine, créé en mars et mené par la France et le Royaume-Uni – propose aussi de déployer une «force de réassurance». Elle serait composée de militaires européens (Trump a exclu tout déploiement «de bottes au sol», mais les Etats-Unis pourraient fournir un appui aérien), déployés dans des lieux stratégiques pour faire hésiter la Russie à relancer l’invasion, au risque de tuer des soldats non-ukrainiens et de déclencher des représailles. A ce stade, seuls Paris et Londres seraient éventuellement prêts à envoyer des troupes. L’armée allemande est en pleine reconstruction, et l’envoi de 5 000 hommes en Lituanie pour une rotation de l’Otan la place déjà dans une position difficile. La Pologne, devenue la première armée européenne, préfère garder ses forces chez elle, pour garder à l’œil son voisin Bélarus, vassal de Moscou, et l’exclave russe de Kaliningrad.

La vision de Moscou des «garanties de sécurité» est diamétralement opposée. Le Kremlin refuse toute poursuite de l’expansion vers l’est de l’Otan, décrite par les Russes comme l’une des «causes profondes» de l’invasion de l’Ukraine. Le déploiement d’un contingent européen en Ukraine serait également «inacceptable», a redit ce jeudi la diplomatie russe. «Discuter sérieusement de garanties de sécurité sans la Russie est utopique, c’est une voie qui ne mène nulle part», a asséné Sergueï Lavrov. Mais puisque Moscou refuse de discuter sérieusement tout court, les négociations risquent bien de s’arrêter avant d’avoir commencé.