C’est un front vieux comme le monde dans la chronologie ukrainienne. Avdiivka, ville industrielle du Donbass qui comptait autrefois 30 000 habitants, n’en finit plus de résonner du bruit des bombes depuis 2014. La ligne de front, à moins de 15 km de Donetsk, ne s’en est donc jamais éloignée. Mais voici que son nom revient au cœur de l’actualité, puisque l’armée russe semble y concentrer ses efforts de guerre et de communication.
C’est donc là que Moscou concentre son offensive depuis plusieurs jours, et assure progresser dans sa stratégie d’encerclement de la ville. Les forces du Kremlin, qui tiennent l’est du front, tentent de progresser au nord et au sud pour prendre en tenaille cette cité très fortement fortifiée. Vladimir Poutine lui-même s’en fait le porte-parole, évoquant une «défense active» qui s’étendrait jusqu’à Koupiansk et Zaporijia. «Nos troupes améliorent leur position dans la quasi-totalité de cet espace, un espace assez vaste», a annoncé Poutine ce dimanche 15 octobre dans un entretien à la télévision russe, dont un extrait a été publié sur les réseaux sociaux de Pavel Zaroubine, le journaliste qui l’a interrogé.
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Comme Bakhmout en son temps, Avdiivka relève plus du symbole que de la prise stratégique. La ville et sa vaste cokerie représentent un haut lieu de la résistance ukrainienne qui avait réussi à la reprendre, en 2014, après une occupation temporaire en juillet de cette année-là par les séparatistes prorusses. Et comme Bakhmout encore, l’offensive contre ce symbole semble se faire au prix d’une véritable boucherie, avec un pilonnage incessant de l’artillerie et des pertes militaires très importantes pour les Russes selon les analystes indépendants qui observent le conflit grâce aux images en source ouverte.
Evidemment, l’armée ukrainienne réfute quant à elle toute progression significative de Moscou. Dans son bulletin quotidien ce dimanche, elle assure même que ses hommes ont «repoussé» les attaques de Moscou dans la zone. «L’ennemi ne cesse d’essayer de percer notre défense, mais sans succès.» Selon l’Institut pour l’Etude de la guerre, qui émet des analyses quotidiennes depuis le début du conflit, l’offensive russe est considérablement ralentie, à la fois par les fortifications défensives installées par l’Ukraine dans cette zone, mais aussi «par des soucis d’approvisionnement de matériel médical». Samedi 14 octobre, le maire ukrainien de la ville, Vitaly Barabach, avait pourtant jugé «très tendue» la situation sur le terrain, les Russes tentant, selon lui, d’«encercler la ville» avec «de plus en plus de troupes». Il resterait selon la mairie environ 1 600 civils à l’intérieur d’Avdiivka que les autorités peinent à évacuer du fait des bombardements incessants.
Le symbole d’une prise de la ville est d’autant plus important pour les Russes qu’il servirait le narratif d’un échec de la contre-offensive ukrainienne engagée il y maintenant quatre mois. Dans son interview ce dimanche, Vladimir Poutine en a une nouvelle fois profité pour dire que cette opération «avait complètement échoué». Les hommes de Kyiv ont tout de même repris quelques villages mais restent bien loin des objectifs initiaux, malgré les livraisons d’armes occidentales.