Menu
Libération
Vu d'Almaty

Avec la Q-pop, le Kazakhstan se désoviétise et se dévirilise en musique

Réservé aux abonnés

Le pays enterre le passé soviétique en redéfinissant son identité kazhake, notamment avec l’apparition de groupes pop. Adulés par la jeunesse, ils sont aussi accusés d’offrir une image androgyne, éloignée de l’archétype du «guerrier des steppes».

Le groupe kazakhstanais de Q-pop Ninety One. (Courtesy of Nintety One)
ParManon Madec
correspondante à Almaty (Kazakhstan)
Publié aujourd'hui à 12h39

Ils ont des cheveux platine, des boucles d’oreilles, des bracelets aux poignets et virevoltent sur une chorégraphie millimétrée et une musique techno. Mais en dépit de ces apparences qui ont fait le tour du monde depuis la Corée du Sud, ces cinq chanteurs ne forment pas un énième groupe de K-pop. A une consonne près, ce sont les membres de Ninety One, principaux représentants de la Q-pop, sa cousine kazakhe – le «Q» pour «Qazaqstan», le nom de leur pays transcrit du cyrillique vers l’alphabet latin.

Le Kazakhstan a découvert ce nouveau genre musical avec Ayyptama («Ne me blâme pas»), premier single de leur groupe en 2015. Après des décennies de domination soviétique, de 1936 à 1991, une question hante le pays : qu’est-ce qu’être kazakh ? Ninety One, dont le nom renvoie à l’année de l’indépendance, propose en musique une réponse qui divise. Car si le clip d’Ayyptama ravit les ados, le reste du pays est choqué. «Dégagez!», «Honte à vous !» leur lançaient en 2016 des manifestants à Karaganda, dans le centre du pays, où leur concert finira par être annulé. «Aucun parent ne voudrait que son fils ressemble à une femme», balance une militante conservatrice dans le documentaire Men Sen Emes, en 2021. Leur producteur, Yerbolat Bedelkhan, doit bien l’admettre : les Ninety One «ont secoué l