Une peine pour le moins sévère. Un tribunal azerbaïdjanais a condamné ce jeudi 12 septembre à trois ans de prison Théo Clerc, 38 ans, artiste urbain français, décorateur de cinéma et de mode, pour un graffiti réalisé le 30 mars sur une rame d’un métro de la capitale, Bakou. Le ministère des Affaires étrangères français a aussitôt réagi en protestant contre un «traitement arbitraire et ouvertement discriminatoire». L’Azerbaïdjan a dans la foulée rejeté ces critiques, «inacceptables» et «infondées».
Répression
Au moment des faits, Théo Clerc était accompagné de deux amis de longue date, également artistes : le Néo-Zélandais Ismael De-Saint Quentin et l’Australien Paul Han. Les trois hommes. Tous membres du même collectif, ils étaient arrivés en Azerbaïdjan le 25 mars pour une tournée internationale. Chacun a réalisé un graffiti sur une rame distincte, dessinant de simples lettres stylisées sans aucun caractère politique, relate le Monde. Pourtant, seul le Français a été condamné à de la prison. Les deux amis de Théo ont, eux, été reconnus coupables de hooliganisme en groupe et de dégradation intentionnelle de biens ayant entraîné de lourdes conséquences. Ils ont écopé d’une amende équivalente à 4 000 dollars, couvrant les frais nécessaires pour effacer leurs graffitis.
Tensions géopolitiques
«Le verdict rendu par le tribunal est illégitime et excessivement sévère, particulièrement à l’encontre du citoyen français, et fera l’objet d’un appel», a déclaré leur avocat Elchin Sadigov. «Conformément à une décision antérieure de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernant l’Azerbaïdjan, l’expression artistique ne peut être considérée comme du hooliganisme», fait valoir le conseil. Selon lui, «aucune caractéristique personnelle autre que la nationalité des accusés n’a été prise en compte dans cette affaire». Le Français était déjà le seul en détention provisoire pour trois mois, les deux autres étaient libres durant l’enquête.
Diplomatie
En soutien à l’artiste, une pétition a été lancée sur Change.org. Elle retrace les faits reprochés à Théo Clerc, leur «frère, ami et collègue, emprisonné en Azerbaïdjan», et appelle le pays à la justice et la clémence.
Cette condamnation intervient dans un contexte géopolitique tendu. L’Azerbaïdjan reproche à la France d’être une alliée majeure de l’Arménie, qui a soutenu pendant trois décennies les séparatistes du Haut-Karabakh, finalement entièrement reconquise par l’armée azerbaïdjanaise en septembre 2023. Pour sa part, Paris accuse Bakou d’ingérences dans la politique intérieure française, en particulier pendant la crise en Nouvelle-Calédonie, secouée depuis mai par une insurrection indépendantiste.
Cette crispation diplomatique a déjà poussé le Quai d’Orsay, la semaine dernière, à diffuser de nouvelles recommandations aux ressortissants français, leur déconseillant de se rendre dans ce pays, «sauf raison impérative». Le ministère avait pointé du doigt «un risque d’arrestation, de détention arbitraire et de jugement inéquitable». Actuellement, un autre Français, Martin Ryan, est détenu en Azerbaïdjan. Il est accusé d’espionnage.