Le ciel au-dessus du Bélarus était bien vide ce matin. Quelques appareils de la compagnie nationale Belavia, des avions-cargos chinois en route vers l’Europe de l’ouest, et c’est à peu près tout. Depuis le détournement dimanche du vol Ryanair Athènes-Vilnius et l’arrestation de l’opposant Roman Protassevitch, une dizaine de compagnies aériennes européennes, dont Air France, ont déjà annoncé contourner l’espace aérien bélarusse. Elles devraient être bientôt plus nombreuses encore à éviter le pays, pour se plier aux demandes de Bruxelles. Réunis en Conseil européen lundi soir, les Vingt-Sept se sont mis d’accord sur de nouvelles sanctions visant le régime d’Alexandre Loukachenko : des cadres du régime visés, l’espace aérien européen fermé aux compagnies aériennes bélarusses et les compagnies européennes appelées à ne plus survoler le Bélarus.
«L’UE a opté pour un discours diplomatique ferme et brandit la menace de nouvelles sanctions, mais sur le fond, les Vingt-Sept se trouvent tout de même face à la stratégie du fait accompli et peinent à trouver une réponse efficace dans l’immédiat, analyse Charles Tenenbaum, maître de conférences à Sciences-Po Lille. Sur le court terme, la stratégie de l’isolement et la condamnation est cohérente et légitime, mais sur le plus long terme, les ressorts de la diplomatie européenne restent limités.»
La Russie comme dernière porte de sortie
Pour répondre à la provocation de Loukachenko, les Européens ont choisi de rester sur le même terrain, en ciblant le secteur de l’aviation. Cette riposte, largement soutenue par l’opposition en exil, est pourtant à double tranchant. Les liaisons aériennes avec l’Europe offraient souvent aux militants menacés par le régime une porte de sortie du pays, devenue d’autant plus précieuse que les frontières terrestres sont fermées depuis le mois de décembre. Alors que l’UE devient inaccessible en avion, comme l’Ukraine qui a également déclaré «l’arrêt de liaisons aériennes directes entre l’Ukraine et le Bélarus», la seule voie de sortie du Bélarus se trouve désormais vers la Russie. Une perspective inquiétante pour tous ceux qui envisageaient de quitter le pays.
«Toute autre réponse de l’UE aurait été une démonstration de faiblesse, mais il aurait été mieux de lier certaines sanctions, comme l’interdiction de survol de l’espace aérien européen par Belavia, à une stratégie claire de désescalade. Par exemple, lever cette mesure si Roman Protassevitch et sa petite amie sont libérés, note sur Twitter Maryia Rohava, chercheuse à l’université d’Oslo. Il faut aussi des mesures pour prévoir une sortie du pays en sécurité pour les Bélarusses.»
«La suspension des vols depuis le Bélarus ne résout pas le problème de ce régime terroriste qui viole la constitution et les lois internationales. Des sanctions contre le régime, du soutien à la société civile et l’ouverture d’un dialogue sur de nouvelles élections : voilà ce dont nous avons besoin, a renchéri Franak Viacorka, principal conseiller de la cheffe de l’opposition Svetlana Tikhanovskaia. Pour compléter l’action des Européens, celle-ci appelle désormais «les Etats-Unis à isoler le régime et à faire pression avec des sanctions» et espère un soutien du G7, qui se réunira en juin au Royaume-Uni.