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Répression

Biélorussie : l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa condamnée à 15 ans de prison par contumace

L’opposante principale au régime d’Alexandre Loukachenko qui vit en exil a été condamnée ce lundi à 15 ans de prison. A ses côtés un autre célèbre opposant a quant à lui été condamné à 18 ans de prison ferme.
Vilnius, le 17 février 2021. Portrait de Svetlana Tikhanovskaïa, opposante biélorusse en exil. (Tadas Kazakevicius/Libération)
publié le 6 mars 2023 à 18h18

Une décision symbolique. Un tribunal bélarusse a condamné ce lundi par contumace à 15 ans de prison la principale opposante au régime en place, Svetlana Tikhanovskaïa, qui vit en exil en Lituanie, dans un contexte de répression acharnée orchestrée par le président Alexandre Loukachenko. Selon l’agence de presse étatique Belta et l’organisation de défense des droits humains Viasna, un autre opposant célèbre, Pavel Latouchko, a également été condamné à 18 ans de prison. Trois autres personnes ont également été condamnées à 12 ans de prison.

Svetlana Tikhanovskaïa a rapidement réagi, jurant de continuer sa lutte et ses activités politiques après l’annonce de sa condamnation dans un procès qu’elle a qualifié de «farce» et de «vengeance personnelle» de la part du président en place depuis le 20 juillet 1994 contre celle qui a fait trembler son pouvoir en 2020. «Aujourd’hui, je ne pense pas à ma propre peine. Je pense à des milliers d’innocents, de détenus et de condamnés à de véritables peines de prison», a-t-elle indiqué sur Twitter. «Je ne m’arrêterai pas tant que chacun d’eux ne sera pas libéré».

Lors de ce procès qui s’est déroulé de façon opaque, l’opposante était visée par une dizaine d’accusations, notamment celle de «conspiration pour prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle». La semaine dernière, le Parquet avait requis 19 ans de prison contre l’opposante âgée de 40 ans.

La Biélorussie opère des condamnations à la chaîne. Vendredi, c’est le militant Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022 et figure du mouvement démocratique au Bélarus, qui avait été condamné à 10 ans de prison. Contrairement à Svetlana Tikhanovskaïa, il se trouve toujours au Bélarus, où il est emprisonné depuis 2021.

1 461 prisonniers politiques

La condamnation de Svetlana Tikhanovskaïa et des quatre autres opposants s’inscrit dans un contexte de répression accélérée au Bélarus, une ex-république soviétique dirigée d’une main de fer depuis trois décennies par Alexandre Loukachenko. Ce durcissement fait suite au mouvement de contestation historique en 2020 qui a éclaté après la réélection controversée d’Alexandre Loukachenko lors d’un scrutin entaché de fraudes massives, selon les observateurs étrangers. Ces actions de protestation ont été matées avec des milliers d’arrestations, de cas de tortures, la mort de plusieurs manifestants, de lourdes peines et des exils forcés.

Svetlana Tikhanovskaïa n’est pas entrée en politique par choix ou vocation. En 2020, son mari, Sergueï Tikhanovski, un blogueur populaire est candidat à l’élection présidentielle et critique férocement Alexandre Loukachenko. Il est emprisonné puis condamné en décembre 2021 à 18 ans de prison, notamment pour «organisation de troubles massifs» et «incitation à la haine dans la société». C’est alors que Svetlana Tikhanovskaïa décide de se présenter à l’élection présidentielle de 2020 à la place de son époux. Pendant la campagne, elle réunit des foules à travers son pays, suscitant l’espoir d’un changement.

Sa montée en puissance s’est faite sur fond de difficultés économiques croissantes, aggravées par des tensions avec la Russie, accusée de chercher à vassaliser le Bélarus, et de la réponse controversée d’Alexandre Loukachenko à l’épidémie de nouveau coronavirus, qu’il a qualifiée de «psychose». Mais le pouvoir a redoublé d’efforts pour enrayer l’essor de Tikhanovskaïa. La veille du vote la cheffe de son QG de campagne, est arrêtée, puis huit autres membres de son équipe de campagne. La candidate de 37 ans, enseignante d’anglais de formation, dit tenir bon malgré la «peur», mais doir quitter son appartement. Le jour du vote Svetlana Tikhanovskaïa les invite à envoyer des photos de leurs bulletins de vote afin d’organiser un comptage indépendant. Elle réclame une «élection honnête» après avoir voté. Le résultat entâché de fraude donne Loukachenko vainqueur. Quand d’une voix tremblante, Tikhanovskaïa refuse de reconnaître sa défaite, la révolution est lancée, la répression aussi. Elle finit par s’exfiltrer en Lituanie avec l’aide du ministère des affaires étrangères. réapparaît quelques jours après à Vilnius.

Contrainte à l’exil, celle qui se présentait autrefois comme une simple mère au foyer est désormais le visage des forces démocratiques au Bélarus et l’ennemie d’un régime dont elle dénonce inlassablement les brutales exactions. Selon l’ONG Viasna, le Bélarus comptait 1 461 prisonniers politiques au 1er mars.

Les Occidentaux ont pris plusieurs trains de sanctions contre Minsk pour la répression des manifestations de 2020 mais le régime jouit toujours du soutien indéfectible de Moscou. Le Bélarus a accepté en retour de servir de base arrière aux troupes russes pour attaquer l’Ukraine en février 2022. Mais l’armée bélarusse n’a pas pris part directement, jusqu’à présent, aux combats. Malgré plusieurs appels du pied de Moscou.