Au large du Royaume-Uni, la mer transpire. La canicule invisible qui traverse l’océan Atlantique a atteint les îles britanniques la semaine dernière, et c’est là-bas qu’elle est la plus aiguë. Dans l’eau, le curseur de température s’est élevé de 5°C au-dessus des normales de saison. Un chiffre colossal : pour chauffer, l’eau requiert bien plus d’énergie que l’air et, d’une saison à l’autre, la température des océans ne varie que d’une dizaine de degrés. Les scientifiques s’attendent déjà à ce que la canicule actuelle provoque la mort de nombreux animaux marins. Depuis plusieurs années déjà, le professeur Stuart Cunningham, océanographe et membre de la Scottish Association for Marine Science, observe la faune marine changer, notamment au niveau des crustacés : «Ici, en Ecosse, sur la côte ouest, les moules passent d’un type d’eau froide à un type plus méditerranéen.»
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A court terme, beaucoup de poissons risquent aussi de déserter les eaux anglaises et écossaises pour se réfugier plus près des pôles et retrouver un mercure plus conforme à leur mode de vie. «Les poissons sont très sensibles aux plages de températures dans lesquelles ils vivent. Et comme ils sont mobiles, ils sont capables de changer de lieu de vie très rapidement», explique Stuart Cunningham. C’est aussi ce que pense Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherches au CNRS et corédacteur d’un rapport du Giec, pour qui «les eaux de Norvège et de l’Islande vont devenir plus poissonneuses». Un problème supplémentaire pour le secteur de la pêche au Royaume-Uni, déjà en difficulté après le Brexit – les pêcheurs sont chaque année moins nombreux, et les exportations baissent depuis 2018.
«Guerre du maquereau»
Pays de l’archipel dont le large est le plus sévèrement touché par la canicule océanique, l’Ecosse est le plus gros acteur de la pêche britannique. C’est là-bas qu’est élevé, dans des fermes spécifiques situées sur les côtes, l’un des produits phrase du secteur : le saumon. En 2019, le professeur Mike T. Burrows avertissait déjà, dans The Herald, que les canicules océaniques soudaines pouvaient être «une mauvaise chose» pour les fermes de saumon. «Les pêcheurs ne pêcheront plus les mêmes poissons, et ceux qui dépendent d’un type de coquillage seront affectés», ajoutait le chercheur, qui précisait à l’époque que l’Ecosse n’avait pas encore connu de véritable canicule océanique. Selon Stuart Cunningham, l’un des poissons les plus susceptibles d’être affecté par ces vagues de chaleur est le maquereau. Or c’est aussi, de très loin, l’espèce la plus pêchée dans les eaux britanniques, pour une valeur de plus de 220 millions de livres sterling en 2021. De quoi raviver «la guerre du maquereau», un contentieux en cours depuis une dizaine d’années qui oppose le Royaume-Uni aux pays plus au nord, comme l’Islande et les îles Féroé, qui bénéficient de la migration des poissons.