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Libération
Deuxième mandat

Commission européenne : Ursula von der Leyen réélue présidente pour cinq ans

La conservatrice allemande a été confortablement confirmée par les députés européens à la tête de l’institution de l’UE lors d’un vote au Parlement à Strasbourg ce jeudi 18 juillet, où elle a recueilli 401 voix, soit bien plus que la majorité absolue requise.
La président de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ce jeudi 18 juillet au Parlement européen à Strasbourg. (Frederick Florin/AFP)
par Jean Quatremer, Correspondant européen
publié le 18 juillet 2024 à 14h19
(mis à jour le 18 juillet 2024 à 17h39)

Ursula von der Leyen a été largement réélue à la tête de la Commission, jeudi, par les députés européens réunis à Strasbourg. La conservatrice allemande a obtenu 401 voix contre 284 (en réalité 306 puisque les 15 abstentions et les 7 nuls équivalent à des votes contre). La majorité requise étant de 361, elle obtient donc 40 voix de plus que nécessaire alors qu’en 2019, lors de sa première élection, elle n’avait été confirmée que par 9 petites voix.

Il est difficile de savoir qui a voté quoi, puisque le vote a eu lieu à bulletins secrets. A priori, elle a pu compter sur le soutien de sa famille politique, dont elle était la «tête de liste» aux élections européennes, le PPE (188 sièges), ainsi que sur les deux autres groupes qui forment la coalition majoritaire actuelle, soit les socialistes de S&D (136 sièges) et les centristes de Renaissance (76), 401 voix en tout, le score qu’elle a obtenu. Mais en réalité il y a eu beaucoup de défections dans la majorité, puisqu’on sait qu’une bonne partie des 53 élus du groupe Vert (hormis les Français) se sont prononcés en sa faveur.

Si on additionne les voix de ceux qui ont voté contre elle sans l’ombre d’un doute, c’est-à-dire l’extrême droite des Patriotes pour l’Europe de Jordan Bardella (84 députés), de l’Europe des nations souveraines (25 élus) et les 33 non-inscrits (où siègent des députés jugés infréquentables même par l’extrême droite…) ainsi que la gauche radicale de The Left de Manon Aubry (46), on n’obtient que 188 voix contre. Si on ajoute la droite radicale d’ECR (78 députés parmi lesquels les élus de Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni qui ont voté contre), on atteint 266. Donc, au minimum ce sont 40 députés, sans doute plus, de la coalition majoritaire qui ont manqués à Von der Leyen.

La candidate la plus centriste possible

C’est sans doute au sein du PPE qu’il y a eu le plus de «traîtres», plusieurs délégations nationales (dont les LR français ou les Slovènes) n’ayant pas fait mystère qu’elles ne souhaitaient pas reconduire Ursula von der Leyen jugée trop à gauche et environnementaliste à leur goût. Comme l’a expliqué en début de semaine la présidente sortante à plusieurs députés socialistes qui hésitaient à voter pour elle, si elle n’était pas reconduite, sa ou son remplaçant(e) (comme les Premiers ministres croate ou grec qui étaient sur les rangs) serait nettement plus à droite. Autrement dit, elle était la candidate la plus centriste possible dans un contexte politique marqué par un glissement vers l’extrême droite de la vie politique européenne.

Comme pour confirmer les préventions de la droite du PPE, dans son discours détaillant son programme prononcé avant le vote, elle n’a pas fait énormément de concessions aux siens. Ainsi, alors que les conservateurs voulaient notamment une «solution Rwanda», c’est-à-dire que l’UE sous-traite les demandes d’asile à des pays tiers, elle ne l’a même pas évoqué. Elle s’est simplement engagée à renforcer Frontex (l’agence chargée de la surveillance des frontières extérieures), à tripler à 30 000 le nombre de gardes-frontières et de garde-côtes européens et à appliquer strictement le paquet Asile et immigration récemment adopté qui verrouille déjà sérieusement les frontières de l’Union. De même, elle n’a annoncé aucune pause dans la mise en œuvre du Pacte vert (ou «Green deal»), comme le souhaite le PPE, en confirmant notamment qu’elle entendait rendre obligatoire la réduction de 90 % des émissions de CO2 d’ici à 2040 ou en annonçant un plan de protection des ressources d’eau. Mais elle a concédé que son application se fera de façon plus «pragmatique». Ainsi, les intérêts des agriculteurs seront davantage pris en compte ou encore, à la satisfaction de l’industrie automobile allemande, elle s’est engagée à autoriser l’utilisation de carburant synthétique non polluant après 2035, date théorique de la fin de mise en circulation des moteurs thermiques.

Dans cet exercice d’équilibrisme à haut risque, Ursula von der Leyen s’en est plutôt bien sortie en réussissant à consolider sa majorité qui va des conservateurs aux Verts. Il est vrai qu’elle y a été aidée par des députés peu soucieux d’ajouter une crise européenne aux désordres du monde. Un exemple dont pourraient s’inspirer les partis politiques français.

Mis à jour le 18 juillet à 17h40 avec des éléments d’analyse et les résultats précis.