Alors que l’Irlande du Nord se préparait à célébrer les 26 ans de ses accords de paix, une nouvelle inattendue est venue bousculer le programme : la soudaine démission de Jeffrey Donaldson, chef du DUP, le principal parti unioniste, attaché à sa place au sein du Royaume-Uni.
Dès le matin, les internautes s’étaient interrogés sur la disparition de tous les comptes de Jeffrey Donaldson sur les réseaux sociaux. Un communiqué du parti a été publié vers 14 heures, expliquant que la direction avait reçu «une lettre du député […] confirmant qu’il a été inculpé pour des accusations anciennes et indiquant qu’il démissionne en tant que chef du Parti unioniste démocrate avec effet immédiat».
La BBC et le Belfast Telegraph ont rapidement fait le rapprochement avec un rapport de la police nord-irlandaise indiquant qu’un homme de 61 ans et une femme de 57 ans – qui ne sont pas nommés – ont été arrêtés jeudi 28 mars et inculpés pour «des infractions sexuelles non récentes» et pour complicité d’infractions supplémentaires. Ils précisent qu’un procès est prévu fin avril à Newry.
Un partisan du «hard Brexit»
Le DUP est l’un des deux partis majeurs qui dirigent l’Irlande du Nord. S’il ne compte que huit députés à la Chambre des communes de Westminster, il est depuis 2016 un des acteurs les plus problématiques dans les négociations autour du Brexit. Après avoir voté avec enthousiasme pour sortir de l’Union européenne, il s’est d’abord allié au gouvernement de Theresa May en 2017, avant de s’opposer à l’accord qu’elle avait négocié pour réclamer le «hard Brexit» promis par Boris Johnson.
L’application de ce Brexit a toutefois nécessité la mise en place de contrôles dans les ports nord-irlandais, pour vérifier que des produits non conformes n’entraient pas dans le marché commun européen. Pour protester contre cette «frontière dans la mer d’Irlande», le DUP avait fait tomber le gouvernement en février 2022, et refusé net toutes les concessions offertes par le Royaume-Uni et l’Union européenne pour faire pression sur les négociations. Mené par Jeffrey Donaldson, ce boycott a duré deux ans, et la vie politique n’a repris qu’en février, sans que le DUP ait obtenu la disparition totale des contrôles.
Trois présidents depuis 2021
Le parti, fondé en 1971 par le presbytérien Ian Paisley, a vu son soutien reculer au cours des dernières années, passant de 28,1 % des voix en 2017 à 21,3 % lors des élections de mai 2022. Traditionnellement très à droite, il est opposé au mariage pour tous et au droit à l’avortement. La démission de Jeffrey Donaldson marque son troisième changement de président depuis 2021.
Cette année-là, Arlene Foster avait dû démissionner en raison, notamment, d’un assouplissement perçu de sa position sur les droits des minorités LGBT. Elle est alors remplacée par Edwin Poots pour à peine plus d’un mois, avant que Jeffrey Donaldson ne prenne sa place. Ancien opposant aux accords de paix signés en 1998, qui ont mis fin à trente ans de guerre civile en Irlande du Nord (les Troubles, qui ont fait autour de 3 500 morts entre 1969 et 1998), Jeffrey Donaldson était pourtant perçu comme une voix modérée et unificatrice lors de son arrivée à la tête du DUP en 2021. Il avait été fait chevalier par la reine Elizabeth II en 2016. Il sera remplacé par le député Gavin Robinson pour l’intérim.