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Libération
Crise politique

Coup dur pour Albert II à Monaco : son Premier ministre jette l’éponge avant même de commencer

Tout juste nommé par le prince monégasque, Philippe Mettoux, ancien procureur, a annoncé faire marche arrière en refusant le poste de chef du gouvernement, dans la soirée du jeudi 26 juin.
Le Prince Albert II de Monaco s'adresse au public après avoir dévoilé le panneau d'un nouveau nom de rue à Saint-Martin-des-Besaces, dans le nord-ouest de la France, le 10 avril 2025, lors d'une visite en Bretagne et en Normandie (Lou Benoist/AFP)
publié le 27 juin 2025 à 8h53

Le prince Albert II de Monaco affichait sa sérénité, mais la crise est profonde sur le Rocher : son nouveau chef du gouvernement, nommé après cinq mois de recherches, a jeté l’éponge dans la soirée du jeudi 26 juin. Il devait prendre ses fonctions le 4 juillet prochain.

«Il ressort de différents échanges que j’ai eus tout récemment, que des forces négatives et contraires sont d’ores et déjà à l’œuvre pour faire perdurer les pratiques archaïques du passé et m’empêcher de mener à bien la mission que le Prince Albert m’a confiée», a justifié Philippe Mettoux dans un communiqué.

S’il n’a pas souhaité donner de précisions, ces propos interviennent alors que la principauté est secouée par une bataille médiatico-judiciaire. Celle-ci implique d’anciens proches du prince, désormais écartés et accusés de malversations, qui dénoncent en retour une mainmise du magnat de l’immobilier Patrice Pastor sur le Rocher.

Conseiller d’Etat, ancien procureur et ancien conseiller de l’ex-Premier ministre français Dominique de Villepin, Philippe Mettoux, 66 ans, présentait de nombreux atouts pour Albert II. Ce dernier affiche, depuis son intronisation en 2005, une volonté de politique vertueuse et de lutte contre les soupçons de malversations entourant Monaco.

En début de semaine, Philippe Mettoux avait d’ailleurs publié un message enthousiaste sur son compte LinkedIn. «Il est incontestable que Monaco réussit dans les domaines de l’économie, de la finance, de l’attractivité, de l’innovation, du tourisme et de l’influence, selon un modèle original qui associe une monarchie active et une démocratie effective», se réjouissait-il.

«Cependant, comme tous les pays, Monaco est confronté à des enjeux politiques, géopolitiques, sociétaux, sociaux, technologiques, environnementaux importants», avait reconnu l’ancien procureur, tout en précisant : «J’aime les défis. Je me suis préparé».

Les dossiers du corbeau

Mais depuis ce message, la donne semble avoir changé. «Il m’est apparu malheureusement évident que je ne disposerai pas des leviers indispensables pour écrire la nouvelle page, pourtant appelée de ses vœux par le Souverain et qui est nécessaire au rayonnement, à la stabilité et au redressement du pays», a-t-il déploré dans son communiqué du jeudi 26 juin, appelant à une intensification de la lutte contre la corruption et le blanchiment.

En matière de blanchiment, le Groupe d’action financière (Gafi) avait placé l’an dernier Monaco sur sa «liste grise», malgré les efforts de la Principauté pour renforcer sa législation et ses instances de contrôle. Et la Commission européenne s’est alignée il y a quelques semaines, en ajoutant le Rocher à sa liste de pays à «haut risque».

S’agissant de la corruption, la concentration inédite de millionnaires sur deux petits kilomètres carrés coincés entre mer et montagne a créé le marché immobilier le plus cher du monde, objet de toutes les convoitises.

En outre, les accusations volent dans tous les sens depuis la parution en 2021 du site internet intitulé «Dossiers du Rocher», où un corbeau pointait quatre proches d’Albert II, dont son avocat personnel Thierry Lacoste et son comptable Claude Palmero, accusés de collusion et d’une trop grande proximité avec des groupes concurrents de Pastor.

Une trentaine d’enquêtes sont en cours, dans une ambiance de bataille rangée qui vient d’entrer dans une nouvelle phase avec l’inculpation mercredi 25 juin. Elle a pour objet la prise illégale d’intérêt en bande organisée et corruption passive de l’un des ex-proches du prince, Didier Linotte, ancien président de la plus haute cour monégasque.

Un choix reste à faire

Attendu samedi au Japon, où il doit fêter la journée nationale de Monaco à l’exposition universelle d’Osaka, Albert II va devoir se mettre de nouveau à la recherche d’un nouveau «ministre d’Etat», le titre officiel du chef du gouvernement monégasque.

Nommé par le prince, il s’agit traditionnellement d’une personnalité détachée par la France, chargée de conduire la politique et d’assurer l’administration du tout petit territoire de 38 000 habitants.

Beaucoup d’anciens préfets au profil plutôt gestionnaire s’y sont succédé, mais le profil plus politique de Didier Guillaume, qui avait été maire, président de conseil général, sénateur et ministre de l’Agriculture (2018-2020), avait vite séduit à son arrivée en septembre 2024. Depuis son décès prématuré en janvier, l’intérim à ce poste est assuré par la Monégasque Isabelle Berro-Amadeï, ministre des Relations extérieures.