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Polémique

Danemark : une statue de sirène jugée «moche et pornographique» provoque la discorde

Près de Copenhague, le monument haut de six mètres, baptisé «la Grande Sirène», enflamme la presse danoise. Au centre des débats, son opulente poitrine.
La Den Store Havfrue (La Grande Sirène) exposée au fort de Dragør, près de Copenhague. (Capture d'écran X)
publié le 5 août 2025 à 12h28

«Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.» Une réplique de Tartuffe qui résonne parfaitement dans le débat qui secoue les universitaires, critiques d’arts et journalistes au Danemark. Au fort de Dragør près de Copenhague, une statue de sirène de six mètres de haut, seins nus, se trouve au cœur d’une polémique qui relance le débat sur la représentation du corps féminin dans l’espace public.

Dans cette histoire, deux camps s’opposent. D’un côté, ceux qui militent pour son retrait comme la prêtre et journaliste, Sorine Gotfredsen. Dans le Berlingske, elle estime qu’«ériger une statue représentant le rêve torride d’un homme sur ce à quoi une femme devrait ressembler n’est pas de nature à promouvoir l’acceptation par de nombreuses femmes de leur propre corps». «Il est vraiment réconfortant que beaucoup trouvent la statue vulgaire, peu poétique et indésirable, car nous étouffons sous des corps imposants dans l’espace public», prêche-t-elle. La poitrine opulente de cette sirène étant particulièrement visée. Dans la même veine, le quotidien danois, Politiken, juge l’œuvre d’art «moche et pornographique».

Des seins de taille proportionnelle à son échelle

De l’autre, les défenseurs de la Grande Sirène. En première ligne, le créateur de l’œuvre, Peter Bech, qui assure ne pas comprendre les critiques au sujet de la taille de la poitrine de son modèle. Au centre de l’affaire, elle est «d’une taille proportionnelle» à son échelle. «Les seins féminins nus doivent-ils avoir une forme et une taille académiques spécifiques pour être autorisés à apparaître en public ?», se demande Aminata Corr Thrane, rédactrice en chef des débats au Berlingske, qui renchérit en analysant cette polémique comme l’illustration de «l’attitude de la société envers le corps des femmes en général».

Selon le journal britannique The Guardian, l’Agence danoise des palais et de la culture a ordonné le retrait de la sculpture en mars dernier, officiellement parce qu’elle ne correspondait pas au patrimoine culturel du site. La Grande Sirène devra s’exiler pour la deuxième fois. En 2006, elle avait été installée sur la jetée du port de Langelinie à Copenhague, à côté de sa cadette en bronze La Petite Sirène, qui représente également une femme avec une queue de poisson, mais aux formes bien plus modestes.

Sa grande sœur avait été retirée en 2018 et placée au fort de Dragør après que les habitants l’ont dénoncée comme étant «une sirène fausse et vulgaire». Une statue de la discorde qui n’aura jamais été autant commentée et observée, alors que l’on parle d’elle pour la cacher.