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Libération
Reportage

Dans la ville ukrainienne de Pokrovsk, où l’étau russe se resserre : «Je suis parti avec papa, maman est morte»

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Les troupes russes se rapprochent dangereusement de Pokrovsk, ville logistique du Donbass à portée de l’artillerie, des drones et des bombes aériennes guidées. Les derniers habitants se résignent à vivre dans cette ambiance de fin du monde.
Le front russe ne se trouve plus qu’à un kilomètre du quartier méridional de la ville de Pokrovsk. Le 16 décembre. (Alessandro Stefanelli)
par Patrice Senécal, envoyé spécial à Pokrovsk
publié le 16 décembre 2024 à 20h23

Il y a cette animalerie placardée, cet hôtel transformé en épave, ces kiosques abandonnés, çà et là, rappelant une vie qui s’y faisait jadis florissante. Sur cette artère du centre de Pokrovsk, ville du Donbass devenue fantôme, un ciel gris et lourd renforce cette ambiance de misère, au milieu des gravats. Au loin, d’incessantes déflagrations, tel le tonnerre, se font l’écho des violents combats se déroulant à la périphérie de cette ville stratégique du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, sur laquelle s’acharnent les troupes du Kremlin.

A Pokrovsk, l’hôpital a fermé, la mairie a déserté, le réseau téléphonique ne fonctionne plus, et les transports en commun sont à l’arrêt. Il n’y reste plus qu’une vie en pointillé, celle de vieillards au pas lourd qui déambulent dans des rues désertes, au milieu d’immeubles balafrés. Ou encore cette silhouette esseulée, enveloppée dans un long manteau noir, au beau milieu de cette chaussée pleine de flaques d’eau. Elle s’appelle Lida, a 74 ans et titube en poussant son landau usé, sur lequel s’amoncellent des boîtes de carton trempées par la pluie, tous ses effets personnels. Le fracas de l’artillerie, au loin, ne la fait guère ciller. «Bien sûr que j’ai peur, mais que peut-on faire ?, lance Lida, qui se plaint de son appartement, endomma