«Vous imaginez ? Tant d’eau vive qui surgit en plein mois d’août alors qu’il fait 46°C ?» José Antonio Jiménez semble ne pas y croire lui-même. D’apparence frêle, cet homme pourtant solide dévoile, derrière une montagne de ronces, une rigole en terre par laquelle de l’eau coule, foisonnante, limpide. La canalisation rudimentaire court ainsi sur des centaines de mètres, à flanc de montagne, le long de prés d’un vert intense, en suivant la courbe de niveau qu’on voit se poursuivre au loin. Sur les hauteurs d’Aldeanueva de la Vera, à 1 200 mètres d’altitude dans la «sierra» – un massif montagneux – de Gredos (à deux heures de voiture à l’ouest de Madrid), on peut constater de visu comment, ici, on «sème» et on «récolte» de l’eau.
Car, comme l’explique José, qui est membre de la communauté locale des irrigateurs, «cette eau qui s’écoule en abondance», c’est ce qu’ils appellent «la moisson» : «Elle n’existerait pas si, auparavant, nous ne l’avions pas semée.» Dès octobre en effet, jusqu’au printemps, une cohorte d’une cinquantaine de volontaires s’adonne à une activité très archaïque : ils s’emparent de bêches, de bâtons, de faucilles, et restaurent d’anciens canaux d’irrigation ou remettent en état ceux de l’année antérieure, bouchés et envahis par les ronces.
Ces canaux, on les appelle ici des «pesqueras» (pêcheurs) ou «acequias» (rigoles). Grâce à eux, au lieu de dévaler la pente en quelques minutes vers la gorge naturelle d’Aldea