Il est tellement facile de se perdre, dans la pampa cabossée de Kherson, au nord de la Crimée. Les arrêts de bus soviétiques amochés y sont les uniques points de repère. Celui du carrefour d’Ivanivka ne fait pas exception. A 360 degrés, les champs et les bâtiments agro-industriels semblent avoir aimanté tout le métal en provenance du ciel ces derniers mois. Reste l’asphalte fendu. Les étendues de blé non moissonnées, le colza blanchi à moitié aplati et les fleurs de tournesol cramées. Aux kourganes, ces tumulus néolithiques, s’adossent des fortifications. Et puis soudain, des policiers en faction, un peu tatillons, veillant au grain d’un territoire reconquis entre septembre et octobre. «Non, par là, vous ne passez pas, pas possible, tranche l’un d’eux, soucieux d’appliquer à la lettre le mot d’ordre de verrouillage du front sud. Vyssokopillia, vous pouvez, vous pourrez y prendre le café.»
Ces dernières semaines, après la reconquête du nord de l’oblast de Kherson par les forces ukrainiennes, Vadym, 43 ans, chef du bureau de Nova Poshta («nouvelle poste») de Vyssokopillia, a enfin pu revenir chez lui. Reprendre le boulot, mettre en place des tournées. La première poste privée ukrainienne, qui se tire la bourre avec la poste publique UkrPoshta, a un mot d’ordre qui claque comme un slogan