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Contestation

Dans toute l’Espagne, la droite crie sa colère contre le socialiste Sánchez et l’amnistie des Catalans

Catalogne: vers l'indépendance?dossier
Des centaines de milliers d’Espagnols ont défilé dimanche à l’appel de la droite, révoltée par l’accord de coalition conclu cette semaine entre le Premier ministre socialiste et les séparatistes catalans.
Manifestants de droite et d'extrême droite notamment ont manifesté ce dimanche 12 novembre à Madrid contre la future loi d’amnistie des indépendantistes catalans, concédée cette semaine par Pedro Sánchez en vue de s’assurer du soutien de leurs représentants au Parlement. (Thomas Coex/AFP)
publié le 12 novembre 2023 à 19h25

Si Pedro Sánchez a réussi cet été son pari risqué dans les urnes, ce dimanche 12 novembre, la droite et l’extrême droite espagnole ont réussi le leur dans la rue. A Madrid, Saragosse, Séville, Tolède, Malaga, Valence, Bilbao, Barcelone… Dans toute l’Espagne, une même foule conservatrice mue par une même colère contre le Premier ministre sortant, accusé d’avoir pactisé avec le diable catalan pour se maintenir au pouvoir, a défilé contre le «traître» socialiste sous les drapeaux sang et or.

A l’unisson, dans plus de cinquante villes espagnoles, les manifestants ont dénoncé la future loi d’amnistie des indépendantistes catalans, concédée cette semaine par Pedro Sánchez en vue de s’assurer du soutien de leurs représentants au Parlement, dont il dépend pour être reconduit au pouvoir. Perçue par une partie de la société espagnole comme une atteinte à l’Etat de droit, cette amnistie très controversée intervient six ans après la tentative de sécession de la Catalogne, qui avait constitué en 2017 l’une des pires crises politiques de l’Espagne contemporaine. Entre référendum illégal, répression d’électeurs pacifiques, déclaration fantoche d’indépendance et mise sous tutelle de la puissante région par le gouvernement conservateur de l’époque.

Au total, plusieurs centaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues à la mi-journée, dimanche, pour dire «non à l’amnistie», à l’appel du Parti populaire (PP), principale formation de l’opposition de droite, selon les chiffres de plusieurs préfectures rassemblés par les médias espagnols. «Nous ne nous tairons pas jusqu’à ce qu’il y ait de nouvelles élections», a martelé le chef du PP, Alberto Núñez Feijóo, lors de son discours à Madrid. Cette mobilisation «va bien au-delà du parti» conservateur, a ajouté celui qui est arrivé en tête des élections législatives du 23 juillet mais a échoué à être investi Premier ministre, faute de soutiens suffisants au Parlement.

«Dans le dos de tous les Espagnols»

Dans la capitale, près de 80 000 manifestants, selon la préfecture, ont formé une marée de drapeaux espagnols rouges et jaunes, sur et autour de la place centrale de la Puerta del Sol, aux cris de «Pedro Sánchez démission» ou avec des pancartes indiquant par exemple «Fin à l’inégalité régionale» ou «Sánchez, tu romps la nation et crées de la crispation».

Deuxième du scrutin, le socialiste Pedro Sánchez est désormais assuré d’être reconduit au pouvoir par le parlement la semaine prochaine, grâce à l’appui des députés de la formation de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, principale figure de la tentative de sécession de 2017 qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires. En échange de son soutien, le parti de Puigdemont, Ensemble pour la Catalogne (Junts per Catalunya), a obtenu une loi d’amnistie des indépendantistes poursuivis par la justice, principalement pour les événements de 2017, ainsi que l’ouverture de négociations portant, entre autres, sur la question de la «reconnaissance de la Catalogne comme nation».

La droite espagnole, une partie de la magistrature, mais aussi certains dirigeants modérés du Parti socialiste considèrent que cette mesure d’amnistie va à l’encontre des principes d’égalité et d’unité territoriales et de la séparation des pouvoirs. Dans la foule à Madrid, vêtue d’un drapeau espagnol, Laura Díaz Bordonado, avocate de 31 ans, affirme ne pas ressentir «seulement de la colère ou de l’indignation, mais aussi de la peur» concernant cette alliance politique. Un peu plus loin, Alberto, professeur de 32 ans votant lui aussi à droite, dénonce un pacte signé «dans le dos de tous les Espagnols qui sont ici».

Coalition hétérogène

Intervenant lors du congrès des socialistes européens à Malaga, dans le sud de l’Espagne, Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018, a appelé samedi le Parti populaire à «accepter le résultat des urnes et la légitimité du gouvernement que nous allons bientôt former». Un gouvernement de coalition très hétérogène, composé notamment du Parti socialiste, de la formation d’extrême gauche Sumar, mais aussi des nationalistes basques du PNV et, donc, des Catalans de Junts. Le vote d’investiture devrait avoir lieu, en principe, mercredi et jeudi.

Le parti d’extrême droite Vox, qui a lancé cette semaine des appels à la «résistance», s’est joint ce dimanche aux rassemblements du PP avant de participer à des manifestations devant les sièges du Parti socialiste espagnol (PSOE) à travers le pays. A Madrid, le chef de Vox, Santiago Abascal, a appelé à une mobilisation «permanente» et «croissante» pour éviter le «coup d’Etat» que représente l’accord entre les socialistes et les indépendantistes catalans.

Depuis plus d’une semaine, le siège national du PSOE à Madrid est la cible de manifestations quotidiennes à l’appel d’organisations proches de Vox. Ces rassemblements ont dégénéré à plusieurs reprises cette semaine en échauffourées entre militants radicaux et forces de l’ordre. Jeudi soir, 24 personnes avaient été interpellées.