Au tout début des années 1980, difficile de trouver un numéro de Libération sans Solidarność. Alors que le premier syndicat libre du bloc de l’Est naît à Gdansk, un article est publié chaque jour, ou presque : «La Pologne était au premier plan à Libé à l’époque. Cela avait à voir avec l’air du temps, c’était les années Mitterrand, on croyait à certains possibles, au socialisme humain. On regardait avec fascination l’alliance des ouvriers et des intellectuels, qui nous apparaissait presque comme un miracle, explique Véronique Soulé, qui a suivi les «pays de l’Est» de 1981 à la chute du Mur. L’épopée de Solidarité était passionnante à couvrir, c’était l’histoire qui se fait.»
Dès le départ, quand tout se joue lors de la grève des chantiers navals Lénine, en août 1980, Libé est là. «Comment pourrait-on faire autrement après avoir pénétré une seconde à l’intérieur du chantier ? Après avoir vu cette croix devant les grilles, perpétuellement fleurie à la mémoire de la centaine de camarades tués à cet endroit au cours des émeutes de 1970. Après avoir découvert ces regards neufs dans les bleus de travail, ces mains de soudeurs roulant des tracts, ces femmes ponctuelles derrière la grille pour amener de la nourriture aux grévistes», écrit JP Gené, quelques jours avant la signature des accords de Gdansk, l’acte de naissance du syndicat.
Les articles sur ces premiers mois de Solidarność sont souvent signés de façon énigmatique, par trois lettres