Soulagement pour la gauche hispanique. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, est sorti de son silence ce lundi 29 avril à 11 heures pour annoncer au pays qu’il ne renonce pas à son poste. «J’ai décidé de rester avec le plus de force si possible», a annoncé un Premier ministre déterminé sur le perron du Palais de la Moncloa.
Muré dans le silence depuis l’annonce, mercredi, de l’ouverture d’une enquête contre sa femme pour «corruption» et «trafic d’influence» instiguée par l’extrême droite, Pedro Sánchez a vivement critiqué «campagne de diffamation» et de «harcèlement» dont a été victime son épouse, avant d’exprimer sa gratitude à ses soutiens.
Avec fermeté, Pedro Sánchez restant s’est montré particulièrement sévère sur la situation. «Cela fait trop longtemps que nous laissons la boue contaminer notre vie publique.» Il enjoint désormais «la société espagnole de donner à nouveau l’exemple. Montrons au monde comment la démocratie est défendue».
Au pouvoir depuis 2018, le dirigeant socialiste de 52 ans est un habitué des coups d’éclat et des coups de poker. Mercredi, il a de nouveau sidéré l’Espagne en mettant son mandat en jeu après l’annonce par un tribunal madrilène de l’ouverture d’une enquête préliminaire pour trafic d’influence et corruption contre son épouse, Begoña Gómez, à la suite d’une plainte d’une association proche de l’extrême droite. Illustration, selon Pedro Sánchez, d’une campagne de déstabilisation orchestrée par l’opposition de droite.
«J’ai besoin de m’arrêter et de réfléchir» afin de décider «si je dois continuer à être à la tête du gouvernement», a-t-il écrit dans une lettre de quatre pages, publiée sur le réseau social X. Fait absolument inédit, Pedro Sánchez a depuis suspendu toutes ses activités publiques alors qu’il devait notamment lancer jeudi soir la campagne des régionales du 12 mai en Catalogne, un scrutin à portée nationale grâce auquel son Parti socialiste espère chasser les indépendantistes du pouvoir.
«Pedro, reste !»
Scandant «Pedro, reste !», des milliers de sympathisants s’étaient réunis samedi devant le siège du Parti socialiste à Madrid pour demander au Premier ministre de ne pas quitter son poste. «[Ma femme et moi] souhaitons vous remercier pour les expressions de solidarité reçues de toutes parts, a poursuivi Pedro Sánchez lors de son allocution. Grâce à cette mobilisation, j’ai décidé de continuer à diriger la présidence.» Bien qu’il reste à la tête du gouvernement, Pedro Sánchez pourrait choisir de se soumettre à une question de confiance afin de montrer à l’opposition qu’il bénéficie du soutien d’une majorité des députés.
L’enquête contre l’épouse de Pedro Sánchez, placée sous le sceau du secret de l’instruction, a été ouverte à la suite d’une plainte de l’association «Manos limpias» («mains propres»), un collectif proche de l’extrême droite. Elle porte en particulier, selon le média en ligne El Confidencial, sur les liens noués par Begoña Gómez avec le groupe Globalia, parrain de la fondation dans laquelle elle travaillait, au moment où Air Europa, compagnie aérienne appartenant à Globalia, négociait avec le gouvernement Sánchez l’obtention d’aides publiques.
Analyse
Cette compagnie a effectivement touché, en novembre 2020, 475 millions d’euros issus d’un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la pandémie. Mais des dizaines d’autres ont suivi, dont plusieurs de ses concurrents (Iberia, Vueling, Volotea…) Le parquet a demandé jeudi le classement de cette enquête, tandis que Manos limpias a reconnu que sa plainte était uniquement basée sur des articles de presse. Le juge en charge du dossier n’a pas encore dévoilé ses intentions.
Une coalition d’intérêts de droite et d’extrême droite
Figure honnie par l’opposition, Pedro Sánchez – qui gouverne avec l’extrême gauche et bénéficie du soutien des indépendantistes basques et catalans – veut voir dans cette affaire une campagne orchestrée par «une coalition d’intérêts de droite et d’extrême droite» qui «n’acceptent pas le verdict des urnes». «Il s’agit d’une opération de harcèlement et de démolition […] pour me faire vaciller politiquement et sur le plan personnel en s’attaquant à mon épouse», a-t-il écrit dans sa lettre.
Carta a la ciudadanía. pic.twitter.com/c2nFxTXQTK
— Pedro Sánchez (@sanchezcastejon) April 24, 2024
Depuis mercredi, l’opposition de droite tourne Pedro Sánchez en ridicule, l’accusant de vouloir se faire passer pour une victime. «Un chef du gouvernement ne peut pas se donner en spectacle comme un adolescent afin que tout le monde se mette à lui courir après en l’implorant de ne pas partir et de ne pas se fâcher», a ironisé le chef du Parti populaire (droite), Alberto Núñez Feijóo.
Mise à jour : à 11 h 40 avec ajout de citations de Pedro Sánchez lors de sa prise de parole.