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Libération
Quand ça veut pas

Double claque électorale pour Boris Johnson, qui exclut toute démission

La défaite des Tories dans deux législatives partielles a poussé le président du Parti conservateur à démissionner. Déjà très fragilisé par le «partygate», le Premier ministre se dit néanmoins déterminé à rester au pouvoir.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson à Kigali (Rwanda) le 23 juin. (Dan Kitwood/POOL/AFP)
publié le 24 juin 2022 à 10h48

Un terrible désaveu. Ce vendredi, le réveil a été rude pour le Premier ministre britannique, Boris Johnson. Le chef du gouvernement vivait son premier test électoral depuis la tenue d’une motion de défiance début juin, où un tiers de ses députés ont voté contre lui. En une nuit, son parti, les conservateurs, a perdu les circonscriptions anglaises de Wakefield, dans le Nord, et de Tiverton et Honiton, au sud-ouest, lors d’élections partielles tenues la veille. Un renversement, et une cuisante défaite pour les conservateurs, qui n’était pas arrivé depuis trente ans. Ces scrutins ont été organisés après les démissions de deux parlementaires tories, l’un condamné pour agression sexuelle sur un adolescent de 15 ans en 2018, et l’autre pour avoir regardé du contenu pornographique en pleine session parlementaire.

Les résultats sont tombés tôt vendredi matin, sous les acclamations bruyantes des partis victorieux. Au nord, Wakefield – qui avait élu un député conservateur en 2019, signant une première depuis 1932 – est retournée aux travaillistes, avec une avance de près de 5 000 voix. Dans les Cornouailles, Tiverton a été largement gagnée par les libéraux-démocrates, qui ont devancé les tories avec plus de 22 000 voix. Pendant des jours, le suspense était au plus haut pour savoir si les libéraux-démocrates centristes rafleraient ce siège solidement conservateur depuis 1997. En réussissant ce pari, ces derniers signent leur retour en tant que parti d’opposition crédible sur la scène politique britannique.

«Honte, chaos et négligence»

Ces deux victoires symboliques sont surtout une vraie claque pour Boris Johnson, dont la popularité est au plus bas depuis le scandale des apéros arrosés donnés à Downing Street pendant la pandémie. Le dirigeant conservateur, qualifié «d’atout électoral» par ses soutiens, perd un siège du «mur rouge», régions traditionnellement acquises aux travaillistes, et un siège du «mur bleu», détenu par les conservateurs depuis des décennies.

«Les électeurs ont envoyé un message fort et clair : il est temps pour Boris Johnson de partir maintenant !» a lancé le tout nouveau député libéral-démocrate de Tiverton, Richard Foord, tôt ce matin. «Chaque jour, Boris Johnson s’accroche au pouvoir, apportant encore plus de honte, de chaos et de négligence [sur ce pays]. J’ai un message pour les députés conservateurs qui soutiennent ce Premier ministre défaillant : les libéraux-démocrates arrivent. Si vous n’agissez pas […], vous aussi serez défaits dans les urnes, comme ici ce soir.»

A Wakefield, le deuxième nouvel élu, Simon Lightwood a, de son côté, déclaré que les habitants ont, par ce vote, exprimé leur colère contre «le mépris» de Boris Johnson et l’incapacité de son gouvernement à aider les plus pauvres, pris à la gorge par la flambée des prix. Avant d’ajouter que cette victoire en «dit long» sur la reconstruction du Parti travailliste, en difficulté face aux conservateurs depuis 2010 : «Nous reconstruisons le mur rouge et Wakefield est le berceau du prochain gouvernement travailliste», a-t-il affirmé, confiant.

Les ministres silencieux

Mais l’attaque la plus sévère contre le Premier ministre est venue de son propre camp. Dans la foulée des résultats, le coprésident du Parti conservateur, Oliver Dowden, a annoncé sa démission. Dans une lettre à Boris Johnson, celui-ci estime que ces élections sont le bouquet final «d’une série de très mauvais résultats pour notre parti. Nos électeurs sont affligés et déçus par les récents événements, et je partage leurs sentiments. Nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était. Quelqu’un doit prendre ses responsabilités», attaque-t-il violemment.

Un message immédiatement soutenu par quelques députés conservateurs critiques du Premier ministre. «Oliver Dowden est un homme honnête et honorable qui a clairement décidé qu’il ne pouvait plus défendre l’indéfendable», a ainsi réagi son collègue Roger Gale.

Actuellement en déplacement au Rwanda pour un sommet sur le Commonwealth, en pleine polémique sur l’accord d’expulsion de migrants du Royaume-Uni vers ce pays, Boris Johnson a admis que ces résultats étaient «difficiles». Avant de préciser tout de suite que ceux-ci sont «le reflet de beaucoup de choses», notamment sur l’augmentation du coût de la vie. «Nous sommes maintenant confrontés à des pressions sur le coût de la vie, nous assistons à des flambées des prix - cela frappe au porte-monnaie. Nous devons reconnaître que nous devons faire plus et nous le ferons, nous continuerons, en répondant aux préoccupations des gens», a soutenu le dirigeant tory qui, la veille, avait encore refusé de démissionner en cas de défaite.

A 8 heures (heure locale), vendredi, aucun ministre ou membre du gouvernement n’avait encore réagi à l’annonce de la victoire des travaillistes et des libéraux-démocrates ou à la démission du coprésident du Parti conservateur. Aucun d’entre eux, non plus, ne s’est aventuré sur les plateaux télés et radios pour répondre aux questions des matinaliers. La preuve que le malaise est profond.