Nouveau rebondissement entre Bruxelles, Budapest et Varsovie. La Commission européenne a lancé ce jeudi des procédures d’infraction contre la Hongrie à propos de sa loi interdisant la «promotion» de l’homosexualité auprès des mineurs, et contre la Pologne pour les «zones sans idéologie LGBT» décrétées par certaines collectivités locales.
L’exécutif européen, qui dénonce le caractère discriminatoire de ces mesures à l’encontre des personnes LGBT +, a expliqué avoir envoyé aux deux pays une lettre de mise en demeure. Il s’agit de la première étape d’une procédure qui peut mener à la saisine de la Cour de justice de l’UE puis à des sanctions financières. Budapest et Varsovie ont deux mois pour répondre.
«L’égalité et le respect de la dignité et des droits humains sont des valeurs fondamentales de l’UE, consacrées par l’article 2 du traité de l’Union européenne. La Commission utilisera tous les instruments à sa disposition pour défendre ces valeurs», souligne-t-elle dans un communiqué.
«Zones sans humanité»
L’Union européenne espère ainsi contraindre le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, à renoncer à une loi discriminatoire pour les personnes LGBT +. Entrée en vigueur la semaine dernière, cette loi, largement adoptée par le Parlement hongrois le 15 juin, entend «protéger les droits des enfants» en interdisant aux moins de 18 ans «la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité».
«Ce texte va à l’encontre de toutes les valeurs fondamentales de l’Union européenne : la dignité humaine, l’égalité et les droits humains fondamentaux. Nous ne transigerons pas sur ces principes», s’était insurgée en juin la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qualifiant la loi de «honte». «Si la Hongrie ne corrige pas le tir, la Commission fera usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité de gardienne de traités», avait-elle en outre averti début juillet. Malgré ces menaces, le gouvernement hongrois a rejeté les critiques et les demandes de l’exécutif bruxellois, poussant ce dernier à passer à la vitesse supérieure.
En Pologne, une centaine de collectivités locales ont adopté depuis 2019 une résolution «anti-idéologie LGBT» ou une «charte des droits des familles». Elles représentent environ un tiers du territoire polonais et sont situées principalement dans le sud-est et l’est du pays, zones traditionnellement très catholiques.
Ces décisions avaient déjà conduit la Commission à priver de subventions en juillet 2020 certaines de ces municipalités dans le cadre d’un programme de jumelage.
Ursula von der Leyen avait alors fustigé des «zones sans humanité» qui «n’ont pas leur place» dans l’UE lors de son premier discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen en septembre 2020.
A lire aussi
Plan de relance hongrois retoqué
Les lettres de mise en demeure envoyées aux autorités de Budapest et de Varsovie sont la première étape d’une procédure qui peut mener à la saisine de la Cour de justice de l’UE et, de fait, des sanctions financières. La Commission européenne doit par ailleurs publier le 20 juillet son rapport sur l’Etat de droit au sein de l’UE. Ce dernier comprend une évaluation de la situation dans chaque pays et des recommandations dont le respect est, depuis peu, une condition pour l’accès aux financements européens. Or l’examen du plan de relance présenté par la Hongrie bute sur cette exigence, alors que Budapest attend pour sa part avec impatience les 7,2 milliards d’euros d’argent européen, une somme qui correspond à 5 % de son PIB, pour soutenir son économie face à la pandémie.
«Les mêmes critères s’appliquent à tous les Etats membres. La Commission évalue si le plan présenté par la Hongrie répond aux recommandations sur l’Etat de droit et prévoit la mise en place d’un mécanisme de contrôle pour les fonds européens», a expliqué un de ses porte-parole.
Bruxelles reproche depuis plusieurs années à la Hongrie un manque de transparence sur la passation des marchés publics, une lutte insuffisante contre la corruption et le manque d’indépendance de son système judiciaire. Le pays pourrait demander à bénéficier d’un délai de deux mois pour poursuivre les discussions avec Bruxelles. «L’ambiance n’est pas à une approbation du plan hongrois les yeux fermés», a lâché une source européenne.
A lire aussi
Article mis à jour ce jeudi 15 juillet à 12 h 30.