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Ecosse : les indépendantistes restent mobilisés après le rejet attendu d’un référendum par la justice britannique

La Cour suprême du Royaume-Uni a estimé que le Parlement écossais n’avait pas le pouvoir d’organiser une nouvelle consultation sans l’accord du gouvernement britannique. Un jugement qui clôt le débat légal, mais relance la question politique.
La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, lors d'une conférence de presse le 23 novembre à Edimbourg, après la décision de la Cour suprême britannique. (Andy Buchanan /AFP)
par Juliette Démas, correspondante à Londres
publié le 23 novembre 2022 à 17h26

Ce n’est pas une surprise. Tout au plus un détour, sur une route que les nationalistes écossais voient comme tracée d’avance, évidente. Mercredi, la Cour suprême britannique a jugé à l’unanimité que le Parlement écossais n’avait pas le pouvoir d’organiser un référendum sur l’indépendance de la nation. Seul Westminster a le droit de légiférer sur ces questions, et les élus d’Edimbourg ne pourront pas se passer de son aval. «Déçue», la cheffe de l’exécutif écossais, Nicola Sturgeon, «respecte cette décision», mais reste plus déterminée que jamais. «La démocratie écossaise ne sera pas niée», a-t-elle martelé.

Les Britanniques ont appris plusieurs choses du Brexit. Une de ces leçons est qu’un vote présenté comme «consultatif» peut avoir d’immenses conséquences politiques. Le référendum sur la sortie de l’Union européenne n’obligeait en rien le gouvernement britannique à s’exécuter, mais les Premiers ministres successifs ont fait du Brexit leur argument de campagne. Ainsi, la Cour suprême a prudemment observé qu’un éventuel référendum sur l’indépendance écossaise, même indicatif, aurait des conséquences aussi «pratiques» que «légales», enterrant ainsi un des arguments majeurs des indépendantistes.

Autre point présenté par le parti indépendantiste Scottish National Party (SNP), majoritaire au Parlement écossais, et rejeté par la Cour : les Ecossais ne correspondent pas à la définition de «peuple oppressé», qui s’applique à «d’anciennes colonies», «lorsqu’un peuple est opprimé» ou «lorsqu’un groupe définissable se voit refuser un accès significatif au gouvernement pour poursuivre son développement politique, économique, culturel et social». Une dernière interprétation qui fera sans aucun doute l’objet de bien des débats, car les nationalistes voient dans l’impossibilité d’organiser un référendum un enjeu démocratique.

En effet, lors de sa conférence de presse après la décision de la Cour, Nicola Sturgeon a remis en question la vision du Royaume-Uni comme «un partenariat volontaire de nations» – un «mythe», selon elle. «Soyons francs : un soi-disant partenariat dans lequel l’un des partenaires se voit refuser le droit de choisir un avenir différent – ou même de se poser la question – ne peut en aucun cas être décrit comme volontaire, ni même comme un partenariat tout court», a-t-elle souligné. Son parti lancera donc une «campagne majeure pour défendre la démocratie écossaise». Une manière de reformuler le débat sur l’indépendance, à un moment où les sondages ne donnent pas de majorité claire sur cette question, et où les électeurs indécis pourront faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Les élections de 2024 s’annoncent déjà tendues

Cette vision de l’avenir s’oppose frontalement à celle de Londres, qui estime que la question a déjà été réglée en 2014, lorsque 55,3 % des Ecossais avaient dit «non» à l’indépendance dans un précédent référendum. Mais, pour le SNP, la situation a changé : l’Ecosse a été forcée de sortir de l’Union européenne quand elle avait voté à 66 % pour y rester, et la crise du coût de la vie qui pèse sur les Ecossais serait, selon le parti, mieux gérée depuis Edimbourg que par un gouvernement conservateur à Londres. Le jugement de la Cour suprême éloigne la possibilité d’un vote dès 2023, mais les nationalistes ont pensé à un recours : se servir des prochaines élections, en 2024, comme d’un référendum de fait. Ces élections s’annoncent déjà tendues, car, dans l’ensemble du pays, les conservateurs ont un retard considérable dans les sondages et pourraient être dépassés par les travaillistes après douze années consécutives au pouvoir. En Ecosse, les conservateurs ne disposent que de 6 sièges de députés, contre 44 au SNP. Le Labour, qui est né en Ecosse, n’a plus qu’un seul député en Ecosse depuis les élections de 2019.

Les indépendantistes gallois de YesCymru ont réagi à l’annonce de la Cour suprême en dénonçant «la mort de la démocratie», et s’indignent du «refus d’accorder un droit fondamental aux citoyens d’Ecosse». La directrice de la campagne unioniste Scotland in Union, Pamela Nash, a pour sa part demandé au SNP et aux Verts «d’écouter la vaste majorité de la population écossaise qui ne veut pas d’un second référendum qui divise, et qui veut voter pour les questions qui comptent vraiment lors des prochaines élections». Pour elle, le gouvernement semi-autonome écossais doit «abandonner son obsession» et «se concentrer sur les priorités du peuple». La First Minister prévoit de demander à son parti d’organiser un congrès spécial sur l’indépendance de l’Ecosse dès l’année prochaine.