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Libération
Les voix de l'Europe (21/27)

Elections européennes 2024 : la Finlande s’attend à un raz-de-marée d’électeurs

Le taux de participation des Finlandais devrait atteindre un niveau record, grâce à l’intérêt de l’électorat pour la situation géopolitique du pays, l’urgence du changement climatique et le développement des technologies.
Le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo, avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen à l'aéroport de Lappeenranta, en Finlande, le 19 avril 2024. (Aimo-Koivisto /AFP)
par Mika Horelli, journaliste indépendante
publié le 26 mai 2024 à 7h28

Cet article fait partie du projet collaboratif Voices of Europe 2024, impliquant 27 médias de toute l’UE et coordonné par Voxeurop. D’ici au scrutin du 9 juin, nous publierons un article par pays de l’Union, pour prendre le pouls de la campagne des européennes sur tout le continent. Retrouvez tous les épisodes de cette série ici.

Les Finlandais devraient battre un record de participation lors des élections du Parlement européen en juin. Le taux de participation était de 40,80 % lors du scrutin de 2019 ; toutefois, ce chiffre devrait augmenter de manière significative cette année – 10 points a priori – marquant ainsi une hausse importante de la participation électorale. Plusieurs raisons expliquent l’intérêt accru pour les européennes de 2024 par rapport à celles de 2019.

Un des facteurs clés : la métamorphose de la situation sécuritaire européenne par rapport à 2019. L’attaque de la Russie contre l’Ukraine en 2022 a mis en évidence l’importance de l’UE en tant que garante de la sécurité et de la stabilité dans l’Europe occidentale et démocratique. L’intérêt des Finlandais pour la politique européenne a également été (en partie) renforcé par l’adhésion de la Finlande à l’Otan au printemps 2023, et par son impact sur la structure même de la sécurité européenne et sur le rôle de l’UE dans la politique de défense du continent. Le reste de l’Europe se souvient aujourd’hui que le pays partage plus de 1 300 kilomètres de frontière commune avec la Russie : une position géopolitique bien plus délicate que celle occupée par d’autres pays plus éloignés.

Clairement orienté vers l’Occident

Jusqu’à l’invasion russe, la plupart des Finlandais pensaient que le meilleur moyen de garder contact avec la Russie était de rester un pays occidental non aligné. L’attaque contre l’Ukraine, comme l’a par ailleurs rappelé l’ancien président finlandais Sauli Niinistö (Parti de coalition nationale, Kok, centre droit), a fait tomber les masques : la Finlande sait d’expérience que la Russie ne croit qu’en la force.

Début mars, Niinistö a été remplacé par Alexander Stubb (issu du même parti) à la tête de l’Etat. Alors que le premier représentait la ligne traditionnellement prudente des présidents finlandais à l’égard de la Russie, Stubb – qui a une vingtaine d’années de moins – est un homme politique clairement orienté vers l’Occident, ancien membre du Parlement européen, ex-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Si le pouvoir intérieur en Finlande est détenu par le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, le Président occupe toujours une position importante en tant que chef de file de la politique étrangère et incarne le pays à l’international.

Objectifs environnementaux ambitieux

Bien que la sécurité soit clairement la raison la plus importante pour laquelle les Finlandais ont voté aux élections européennes selon le dernier Eurobaromètre, d’autres facteurs ont accru l’intérêt des Finlandais pour l’UE. Le changement climatique, d’abord, qui avait déjà joué un rôle important dans le débat préélectoral lors des élections européennes de 2019. Toutefois, les propositions de mesures individuelles ont cédé la place à des stratégies plus globales à l’approche du scrutin de juin, incluant une transition écologique dans tous les secteurs de l’économie. Les Finlandais voient dans ces élections un moyen d’influencer les objectifs environnementaux ambitieux fixés par l’UE et l’orientation de la politique européenne en la matière. De nombreux Finlandais se sont par exemple montrés particulièrement intéressés par la question de savoir comment l’Union réglementerait la manière dont le pays s’occupe des forêts.

L’intérêt pour l’UE s’est également accru avec la pandémie de Covid-19, qui a montré aux Finlandais que les Vingt-Sept servaient mieux leurs citoyens en coopérant qu’en agissant seuls. Le rôle de l’Union dans la gestion du coronavirus et la reprise économique a été significatif. La durabilité de l’économie est d’ailleurs un autre thème clé : la Finlande, berceau de celle qui fut la plus grande entreprise de téléphonie mobile au monde, Nokia, comprend l’importance de la technologie en tant que moteur de la société, mais elle doit faire face aux effets du conflit en Ukraine. Des questions qui ont mis en évidence la nécessité de renforcer l’indépendance de l’Europe en termes d’approvisionnement énergétique et de chaînes de production, ce qui se reflète également dans les thèmes des campagnes électorales.

Autant de facteurs qui devraient pousser les Finlandais aux urnes, de manière inédite pour un scrutin européen. D’autant que ceux-ci sont sensibilisés à l’Europe dès le plus jeune âge : ces dernières années, le pays a également investi dans la sensibilisation et l’éducation à l’Union dans les écoles et dans le débat public. En a découlé une meilleure compréhension de son importance et son impact sur la Finlande, ce qui a renforcé la motivation à voter.