Cet article fait partie du projet collaboratif Voices of Europe 2024, impliquant 27 médias de toute l’UE et coordonné par Voxeurop. D’ici au scrutin du 9 juin, nous publierons un article par pays de l’Union, pour prendre le pouls de la campagne des européennes sur tout le continent. Retrouvez tous les épisodes de cette série ici.
L’année 2024 s’annonce comme une année charnière pour l’Europe et peut-être pour la Bulgarie. Le 9 juin, le pays votera pour élire ses eurodéputés mais aussi ses députés nationaux, pour ses sixièmes élections législatives en trois ans. Les résultats des deux scrutins devraient s’avérer très proches. Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (Gerb), le parti de centre droit de l’ancien Premier ministre Boïko Borrisov, est donné en tête avec 26 % des voix. Il devrait devancer les libéraux pro-européens de Continuons le changement-Bulgarie démocratique, donnés deuxièmes avec 17 %.
Sur la scène nationale, sans mandat clair pour un parti, la crise politique et l’instabilité risquent de perdurer. Au Parlement européen, les changements au sein de la délégation bulgare pourraient être significatifs, d’après Davide Ferrari, associé et directeur de recherche au sein d’EU Matrix, un groupe de réflexion basé à Bruxelles. Le Gerb devrait rester stable avec six sièges. Mais deux nouveaux partis devraient faire leur apparition dans l’hémicycle, signe des transformations à l’œuvre en Europe comme en Bulgarie. La formation libérale et anticorruption Continuons le changement, qui n’existait pas en 2019, devrait envoyer quatre représentants à Strasbourg. Le parti d’extrême droite prorusse Vazrazhdane («Renaissance») risque aussi de faire son entrée au Parlement, avec probablement trois eurodéputés. L’autre parti nationaliste VRMO, qui affiche sa méfiance vis-à-vis de Moscou, devrait lui disparaître. Quant aux socialistes, qui avaient récolté 25 % des voix en 2019, ils devraient passer sous la barre des 10 %.
Troisième ou quatrième puissance politique
A l’échelle du continent, l’extrême droite risque d’être le grand vainqueur de ces élections européennes, un triomphe qui lui permettra de s’ériger en troisième ou quatrième puissance politique au sein du Parlement. Le succès du Parti pour la liberté aux Pays-Bas, ainsi que la montée en puissance des extrémistes dans divers pays tels que l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Belgique, et le Portugal, permettront sans doute au groupe le plus radical du Parlement de récolter un nombre record de votes. S’ils ne parvenaient vraisemblablement pas à faire pencher le vote en leur faveur, les ultranationalistes donneraient tout de même le ton des discussions au sein du Parlement européen.
Le thème des débats a déjà changé en cinq ans. L’Europe met de moins en moins l’accent sur la transition verte. L’ère où l’Europe consacrait une grande partie de ses efforts à l’écologie touche à sa fin. De nouvelles questions peuvent désormais être inscrites à l’ordre du jour, comme la protection de l’Etat de droit et la stabilité sociale et économique du continent.
Chaises musicales
Dans ce contexte, et alors qu’un grand jeu de chaises musicales se profile pour déterminer le nom des prochains hauts dignitaires européens, la Bulgarie doit impérativement faire sentir sa présence sur la scène politique en se positionnant clairement sur la politique interne à Bruxelles. Le futur de l’économie bulgare dépend de son adhésion ou non à l’espace Schengen et à la zone euro, et il est temps de faire des progrès en ce sens.
Sofia pourrait notamment s’exprimer au sujet des réformes de fonctionnement de l’UE, pour sortir des décisions par consensus, qui bloquent toujours notre accès complet à l’espace Schengen, ou à propos de questions plus internationales comme le soutien à l’Ukraine.
Notre pays possède un potentiel immense, inutilement gâché par sa fâcheuse habitude de s’abstenir lors des votes du Conseil européen, ou de se laisser aller à une politique de bas étage menée par des populistes, influencés par l’extrême droite. Il est capable de s’ériger en leader, de participer à l’élaboration des politiques et à leur mise en œuvre. Mais pour y parvenir, il a besoin d’un gouvernement fort, avec des objectifs clairs et des priorités bien formulées, ce qui semble malheureusement toujours impossible.