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Libération
Les voix de l'Europe (4/27)

Elections européennes en Suède : contre la droite, Greta Thunberg toujours au cœur de la lutte pour le climat

A l’approche des élections européennes, la question du climat, toujours une priorité pour les Suédois, agite la classe politique. De la militante écologiste Greta Thunberg au parti nationaliste des Démocrates de Suède.
Greta Thunberg bloquant l'entrée du Parlement suédois avec des militants pour le climat à Stockholm, en Suède, le 11 mars 2024. (Dana Press/Bestimage)
par Erik Nilsson, journaliste pour Svenska Dagbladet
publié le 28 avril 2024 à 15h34

Cet article fait partie du projet collaboratif Voices of Europe 2024, impliquant 27 médias de toute l’UE et coordonné par Voxeurop. D’ici au scrutin du 9 juin, nous publierons un article par pays de l’Union, pour prendre le pouls de la campagne des européennes sur tout le continent. Retrouvez tous les épisodes de cette série ici.

Un jour de plus et une nouvelle arrestation musclée pour Greta Thunberg. Lundi 11 mars, la militante écologiste célèbre dans le monde entier, un foulard palestinien autour du cou, est emmenée, les genoux traînant au sol, par deux policiers qui la maintiennent par les bras. Elle s’était installée dans l’enceinte du Parlement suédois, situé au centre de Stockholm. Avec l’aide d’autres militants écologistes, elle a bloqué l’entrée du bâtiment. Le Parlement se trouve à deux pas de l’endroit où les grèves étudiantes «Fridays for future» ont commencé il y a quelques années. Le message reste le même, mais l’attitude obstructionniste plus marquée encore.

«Nous traversons une crise grave, une urgence planétaire. Ceux qui sont en capacité d’agir ont la responsabilité morale de le faire», a-t-elle déclaré. Ces dernières années, la question du changement climatique est l’une des questions les plus controversées de la politique suédoise. Plusieurs sondages d’opinion ont montré que la politique climatique figurait en tête des priorités pour les Suédois. Et ces tendances laissent aussi entendre que la question du climat est davantage prise en compte dans le cadre des élections européennes que dans l’élaboration de la politique nationale.

Bon élève, mauvaise tendance

«Le gouvernement suédois a compris que les implications de la politique climatique étaient plus importantes à l’échelle européenne. Et que c’est donc à ce niveau qu’il faut agir pour avoir davantage d’impact», explique Naghmeh Nasiritousi, chercheuse en politique climatique à l’Institut suédois des affaires internationales et à l’université de Linköping.

Le gouvernement a chargé l’économiste John Hassler d’étudier les liens entre politique climatique nationale et politique européenne. Il explique que la Suède se perçoit comme «la meilleure de sa catégorie» en la matière, mais que ce propos doit être nuancé à mesure que l’UE renforce ses objectifs en matière de climat. «Pendant longtemps, les Suédois ont considéré la politique climatique comme une question de politique nationale. Ils ont soudainement compris que les exigences de l’UE étaient plus strictes et plus ambitieuses à bien des égards.» La Suède fait partie des pays de l’UE qui présentent les taux les plus faibles d’émissions par habitant, mais la tendance n’est pas bonne. En effet, les émissions repartent à la hausse.

La Suède est gouvernée par une coalition de droite depuis les élections de 2022. Le gouvernement tripartite libéral-conservateur, avec l’aide du parti anti-immigration et nationaliste des Démocrates de Suède, a mis en place un certain nombre de réformes pour faire baisser les prix du gasoil et de l’essence, qui ne cessent de grimper. Cependant, les prévisions font état d’une forte augmentation des émissions et d’un non-respect des objectifs nationaux en matière de climat.

Face à face

Si la question du changement climatique est devenue l’un des principaux points d’attaque de l’opposition, elle a toutefois provoqué de graves turbulences au sein des partis au pouvoir. Parmi les différents partis du Parlement suédois, celui des Démocrates de Suède est le seul à ne pas avoir voté en faveur des objectifs climatiques nationaux en 2017. Le parti s’est d’ailleurs montré sceptique à l’égard de toute politique qui permettrait d’atteindre ces objectifs. Ce qui a suscité, avec les autres partis de gouvernement, des désaccords sur plusieurs questions liées au climat, et donné lieu à de difficiles négociations.

Le gouvernement suédois a fait l’éloge du Pacte vert européen, tandis que la figure de proue des Démocrates de Suède au Parlement européen a déclaré qu’il devrait être démantelé. Lors d’une grande interview télévisée, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson (Modérés) a déclaré que «[ce] n’[était] pas prévu».

Face à cela, le militantisme écologique est de plus en plus présent au sein de la société suédoise. Et Greta Thunberg est loin d’en être l’unique représentante. L’action des militants passe notamment par le blocage d’autoroutes, l’interruption de débats parlementaires et la prise d’assaut d’antennes de diffusion d’émissions de télévision populaires. «Le militantisme est essentiel pour stimuler l’opinion publique et montrer qu’il existe un soutien important à l’élaboration d’une politique climatique plus ambitieuse, explique Naghmeh Nasiritousi. Mais il pourrait également devenir un facteur de polarisation. De nombreuses personnes soutiennent, par exemple, qu’il s’agit d’une forme d’expression antidémocratique, alors que la désobéissance civile fait partie de la démocratie.»