Rassurer, protéger, déminer la colère sociale qui monte, en Allemagne comme ailleurs. Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz, entouré de ses partenaires de coalition, a présenté dimanche un nouveau plan d’aides au pouvoir d’achat et aux entreprises, dans un contexte de forte inflation et d’inquiétudes croissantes sur l’approvisionnement énergétique.
Le montant global de ce plan de soutien, fruit de longues et laborieuses négociations menées depuis des semaines entre les trois partis de la coalition au pouvoir depuis neuf mois - le SPD de Scholz, les Verts et les libéraux du FDP - atteint 65 milliards d’euros, dont la moitié environ financée par le gouvernement fédéral. Le reste pourrait venir des Länder et d’une contribution sur les profits exceptionnels réalisés par certaines entreprises énergétiques grâce à l’envolée des cours.
Parmi les mesures détaillées dimanche en fin de matinée, après un ultime marathon de négociation de plus d’une vingtaine d’heures : des chèques de 200 euros pour les étudiants et 300 euros pour les retraités, un relèvement des allocations familiales pour les ménages les plus modestes. Ainsi qu’à compter du 1er janvier 2023, «la plus grande réforme des allocations logement de l’histoire de la République fédérale d’Allemagne», selon Scholz. Le nombre de ses bénéficiaires devrait tripler, passant de 700 000 à environ deux millions, et une allocation de chauffage de 415 euros pour une personne seule (740 euros pour une famille de quatre) va être mise en place.
L’Allemagne «pourra faire face»
Très dépendante du gaz russe, dont les livraisons via le gazoduc Nord Stream, qui devaient reprendre samedi, sont actuellement complètement suspendues par Moscou, l’Allemagne «pourra faire face cet hiver», a assuré dimanche Olaf Scholz, mettant en avant la diversification des sources d’approvisionnement, la remise en service de centrales à charbon et le remplissage des stocks de gaz.
Alors que l’inflation est repartie à la hausse en août dans le pays, à 7,9 % sur un an, et qu’elle pourrait atteindre 10 % d’ici la fin de l’année selon le patron de la Banque centrale allemande, toujours poussée par la flambée des prix de l’énergie, le chef du gouvernement n’a pas cherché à nier la gravité de la situation. «Notre pays traverse des moments difficiles. Cela fait partie de la vérité de nos jours et cette vérité doit être dite. Je suis très conscient que de nombreux citoyens sont très inquiets pour leur avenir, très préoccupés par les prix élevés de l’électricité et du gaz, et par l’augmentation du coût de la vie», a-t-il reconnu lors d’une conférence de presse à Berlin.
Analyse
Signe des frictions entre les partenaires de la coalition, l’annonce de ce plan massif a été reportée à plusieurs reprises. Symbole du difficile compromis trouvé : l’engagement d’Olaf Scholz de s’attaquer à la «spéculation» sur le marché de l’énergie et aux bénéfices exceptionnels réalisés par des producteurs qui «profitent» de prix du gaz record, selon les mots du chancelier. Un sujet qui divise le gouvernement depuis le début de l’été, écologistes et sociaux-démocrates souhaitant une taxation des milliards gagnés par certains groupes, à laquelle le camp libéral, représenté par le ministre des Finances Christian Lindner, s’oppose farouchement.
Accord européen à trouver
Ce dimanche, le gouvernement a finalement décidé de plaider pour l’introduction, au niveau européen, d’une contribution obligatoire dont s’acquitteraient les entreprises du secteur énergétique, une mesure «ne relevant pas du droit fiscal», a précisé Christian Lindner. Les Etats membres de l’UE doivent se réunir la semaine prochaine pour discuter d’une réforme du marché européen de l’énergie et de possibles initiatives pour alléger rapidement la facture des consommateurs. Tout en se disant «confiant» dans la possibilité d’une entente entre les Vingt-sept, Olaf Scholz a indiqué que Berlin serait prêt, dans le cas contraire, à faire cavalier seul.
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Ce plan d’urgence de 65 milliards d’euros s’ajoute à deux premiers trains d’aides aux ménages adoptés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, fin février, pour quelque 30 milliards d’euros. Certaines mesures, dont la ristourne sur le carburant et le très populaire abonnement mensuel à 9 euros pour tous les transports publics, à l’exception des trains à grande vitesse, ont toutefois expiré récemment. Ce forfait transport, qui s’est vendu à 52 millions d’unités, devrait être remplacé par un ticket similaire à un tarif toutefois plus élevé (entre 49 et 69 euros par mois), cofinancé par l’Etat fédéral et les Länder.
Comme il l’a fait à plusieurs reprises ces derniers mois, notamment lors de sa conférence de presse de rentrée, début août, Olaf Scholz a mis en avant la nécessaire solidarité pour surmonter la crise actuelle. En reprenant à nouveau, en anglais, la célèbre formule «You’ll never walk alone» («Vous ne marcherez jamais seul»), titre d’une comédie musicale américaine devenu l’hymne de plusieurs clubs de football, dont le plus célèbre, Liverpool.
Actualisation à 15h45 avec précisions sur le projet de «contribution» des entreprises du secteur énergétique.