Ils sont venus de toute l’Allemagne, et même parfois de plus loin en Europe. Des milliers d’écologistes battent le pavé ce samedi contre l’extension d’une immense mine de charbon à ciel ouvert, dans le hameau de Lützerath, en Rhénanie du Nord Westphalie. En tête du long cortège qui se déroule à travers des champs boueux, bonnet et capuche sur la tête, dans un anorak noir, se distingue l’activiste suédoise Greta Thunberg, désormais âgée de 20 ans. « Il est honteux que le gouvernement allemand conclut des accords et des compromis avec des entreprises telles que RWE», a-t-elle déclaré depuis une tribune. «Le charbon de Lützerath doit rester dans le sol» a-t-elle ajouté, appelant à ne pas sacrifier le climat «à la croissance à court terme et à l’avidité des entreprises».
Les manifestants ont convergé vers Lützerath depuis le nord et l’ouest, en soutien à la poignée d’irréductibles qui s’opposent à l’opération d’évacuation du village situé au bord de la mine menée par la police. En marge d’une manifestation qui a rassemblé 35 000 participants selon les organisateurs des centaines de militants anti-charbon ont cherché à pénétrer dans des zones interdites de la mine de lignite près de Lützerath, dans l’ouest du pays, ont indiqué les forces de l’ordre.
Barrières brisées
Ainsi, dans l’après-midi, des incidents ont opposé les manifestants et les policiers. «Les barrières de police ont été brisées. Aux personnes devant Lützerath : Sortez de cette zone immédiatement !», a tweeté la police, qui a également signalé l’intrusion de manifestants sur le site de la mine. Un peu plus tôt, des journalistes sur place avaient assisté à des échauffourées entre des groupes de manifestants et la police.
Sur des images de télévision, une rangée de policiers en tenue anti-émeute, casqués et équipés de boucliers, protégeaient les bords de la fosse profonde de plusieurs dizaines de mètres dont s’approchaient des manifestants.
La pluie battante n’a pas découragé les opposants à ce projet, venus manifester emmitouflés dans des blousons et K-way bariolés, au rythme d’une fanfare. Sur leurs pancartes, ils affichent leur colère : «Stop au charbon», «Lützerath vit !». Alors qu’ils traversaient la localité voisine de Keyenberg, quelques riverains postés aux fenêtres de leurs habitations les ont encouragés.
Reportage
A l’intérieur du camp encore occupé par une poignée d’activistes, les forces de l’ordre ont repris samedi les travaux de démantèlement et d’évacuation, déjà très avancés. Entre 20 et 40 militants se trouvaient encore sur place vendredi soir, selon une porte-parole de leur mouvement. Des arbres ont été abattus, de nombreuses cabanes construites en hauteur par les activistes ont été vidées de leurs occupants, ces derniers étant escortés vers la sortie du site.
470 occupants évacués
L’ancien village, situé dans le bassin rhénan, entre Düsseldorf et Cologne, doit disparaître pour permettre l’extension d’une immense mine de lignite à ciel ouvert, l’une des plus grandes d’Europe, exploitée par l’énergéticien allemand RWE. Mot d’ordre des manifestants : «Empêcher l’évacuation !», même si les heures du camp de Lützerath semblent désormais comptées.
En images
L’opération d’évacuation, entamée cette semaine, a mobilisé des renforts de police venus de toute l’Allemagne et s’est à ce stade déroulée sans incident notable. Onze policiers ont été blessés, dont deux avec des interruptions de travail. Quelques poursuites pénales ont été engagées pour avoir résisté aux forces de l’ordre et endommagé des biens. Depuis le début de l’évacuation, les secours ont fait sortir environ 470 militants du hameau occupé, rapporte la presse allemande citant la police.
«S’enchaîner à des blocs de béton»
Deux militants se sont retranchés dans un tunnel sous terre, prêts à «s’enchaîner à des blocs de béton pour retarder l’évacuation», d’après un communiqué du mouvement. «Notre tunnel est sûr, seule une action policière négligente peut nous mettre en danger ici», témoigne l’une des activistes présentes à l’intérieur.
Diverses opérations de désobéissance civile en soutien au mouvement ont été rapportées dans toute l’Allemagne au cours des derniers jours. Vendredi à Berlin, des activistes encagoulés ont mis le feu à des poubelles et peint des slogans sur la façade de bureaux des Verts. Le parti politique fait partie de la coalition du gouvernement du social-démocrate Olaf Scholz, accusé par les militants de les avoir trahis en signant un compromis avec RWE, permettant la destruction de Lützerath, dont les habitants ont été expropriés il y a plusieurs années.
Le gouvernement juge nécessaire l’extension de la mine pour la sécurité énergétique de l’Allemagne qui doit compenser l’interruption des livraisons de gaz russe. Un motif impérieux que contestent les opposants selon lesquels les réserves de lignite sont suffisantes.