L’Allemagne, un pays attractif pour les étrangers ? Contrairement à l’imaginaire collectif, c’est tout l’inverse. «En termes de politique de l’accueil, toutes les études internationales constatent que notre pays a une très mauvaise politique de l’accueil», déplore Marcel Fratzscher, le président de l’Institut de recherches économiques de Berlin. «De nombreux Allemands pensent que les personnels qualifiés viennent chez nous parce qu’on a besoin d’eux alors que c’est le contraire. L’Allemagne n’est pas le paradis sur terre où tout le monde souhaite immigrer», ajoute-t-il.
Dans un contexte de montée du populisme, à l’extrême droite mais aussi à l’extrême gauche, la mesure adoptée mercredi 17 juillet par le conseil des ministres dans son «plan de soutien à la croissance» reste donc très controversée. Pour attirer plus de main-d’œuvre étrangère, le gouvernement a prévu d’accorder un allègement d’impôts de 30 % sur le salaire brut pendant la première année (20 % et 10 % pour les deux suivantes).
«Cette mesure est une bombe sociale», prévient Julia Klöckner, la porte-parole des conservateurs (CDU /CSU) à l’assemblée fédérale (Bundestag) pour les questions économiques. Les extrêmes montent sur les barricades à l’approche de trois élections régionales déterminantes cet automne, dans l’est de l’Allemagne. «Le gouvernement même une politique contre les nationaux», peste l’AfD à l’extrême droite. «C’est une gifle pour tous les citoyens qui paient leurs impôts ici. Le gouvernement mène une politique contre sa propre population», ajoute Sahra Wagenknecht, la nouvelle égérie de la gauche radicale qui a créé son propre parti (BSW) sur le modèle mélenchoniste.
700 000 postes vacants
Plusieurs pays européens offrent déjà des avantages fiscaux pour améliorer leur politique d’accueil. «Il faut prendre en considération les coûts d’installation des travailleurs étrangers en Allemagne. Le déménagement, la recherche onéreuse d’un logement, des coûts de scolarité, etc.» fait remarquer Marcel Fratzscher, qui se dit favorable à une telle mesure pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre.
Le gouvernement allemand s’est déjà engagé dans une politique active d’immigration économique. Accélération des naturalisations, loi d’immigration pour faciliter le recrutement de personnels des pays tiers (hors UE), baisse du niveau exigé d’allemand, reconnaissance accélérée des diplômes… mais cela ne suffira pas à répondre aux besoins.
Reportage
Selon l’institut de recherche sur le marché du travail, il faudrait chaque année au moins 400 000 immigrés de plus en Allemagne pour maintenir un réservoir d’offre à niveau. Plus de 700 000 postes sont actuellement vacants, un chiffre bien en dessous de la réalité si l’on considère toutes les offres non publiées. La pénurie devrait s’aggraver considérablement avec le départ à la retraite de la génération des babyboomers.
Dans le contexte politique actuel, le gouvernement risque néanmoins de devoir faire marche arrière sur cette mesure spécifique. «Le populisme sera le principal obstacle», juge Marcel Fratzscher avant de conclure : «Elle ne passera pas [au Bundestag] pour des raisons politiques.»