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En Allemagne, les conducteurs de train lancent une grève record de six jours

Les mouvements sociaux se multiplient outre-Rhin, avec en point d’orgue la grève entamée ce mercredi 24 janvier dans le secteur ferroviaire, coup d’arrêt annoncé comme le plus important depuis 2015 par la Deutsche Bahn.
A Francfort, le 22 janvier 2024. (Kirill Kudryavstev/AFP)
publié le 24 janvier 2024 à 12h43

Le rail à genoux pendant près d’une semaine outre-Rhin. Les cheminots allemands ont donné le coup d’envoi ce mercredi 24 janvier d’un mouvement de grève record qui va paralyser le trafic durant six jours et sans doute coûter des centaines de millions d’euros à la première économie européenne. La mobilisation, provoquée par un conflit sur les salaires et le temps de travail, a commencé à 2 heures du matin dans le transport de voyageurs et dès mardi soir pour le fret. Sa fin initialement prévue pour le lundi 29 janvier à 18 heures aura finalement lieu à 2 heures du matin, patronat et syndicat ayant décidé samedi 27 janvier de reprendre les négociations.

Selon la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn (DB), il s’agira de la plus longue grève des conducteurs de train en Allemagne, battant un précédent record remontant à mai 2015. C’est la quatrième grève depuis novembre 2023, sur fond de négociations bloquées entre la DB et le syndicat GDL des conducteurs de locomotives. Cette action prolongée «est aussi une grève contre l’économie allemande», a fustigé la porte-parole de la DB, Anja Bröker, mettant en garde contre l’impact sur les chaînes d’approvisionnement.

Le ministre des Transports, Volker Wissing, l’a qualifiée de «destructrice» alors que l’Allemagne, où le PIB s’est contracté de 0,3 % l’an dernier, se fait distancer dans la compétition internationale. «Une grève nationale d’une journée dans les chemins de fer peut coûter jusqu’à cent millions d’euros par jour» à la production économique allemande, estime l’économiste Michael Grömling, de l’institut IW Cologne, proche du patronat. Qui avance même que, «dans des cas extrêmes, le coût de cette grève pourrait atteindre 1 milliard d’euros».

Conséquences dans l’approvisionnement

Si l’opérateur ferroviaire veut s’efforcer de garantir les livraisons aux centrales électriques et aux raffineries, des perturbations dans l’approvisionnement des usines automobiles, chimiques ou sidérurgiques ne sont pas exclues. Avec six corridors de fret ferroviaire européens, l’Allemagne est une plaque tournante du trafic de marchandises et DB Cargo, filiale fret de la DB, exploite environ 20 000 trains par semaine desservant une grande partie du continent. «Même après la fin d’une grève, il faudra plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour que le réseau européen soit opérationnel», selon l’évaluation de la DB.

La longue grève qui démarre est «proportionnée, légale et permise» selon les tribunaux qui ont examiné cette question, a soutenu ce mercredi le président du syndicat des conducteurs de train GDL, Claus Weselsky, sur la chaîne publique ZDF. Face à une direction DB «réticente à discuter», il convient donc de «frapper plus longtemps et plus fort», a assené le chef du syndicat minoritaire au sein de la compagnie de près de 211 000 salariés. GDL revendique des hausses de salaires pour compenser l’inflation et un passage à la semaine de 35 heures sur quatre jours, contre 38 heures hebdomadaires actuellement.

La compagnie assure avoir «fait des concessions» et une dernière offre «généreuse allant jusqu’à 13 %» de hausses de salaires avec une possibilité de baisse du temps de travail. La dernière offre de la DB porte sur 37 heures hebdomadaires pour le même salaire – ou bien une augmentation de salaire supplémentaire de 2,7 % pour ceux qui garderaient le même volume horaire.

L’Allemagne, réputée pour la qualité du dialogue social, voit se multiplier les mobilisations. D’importantes branches professionnelles de l’industrie et des services ont mené des négociations salariales tendues dans un contexte d’inflation grignotant le pouvoir d’achat des salariés. Et pas plus tard que cet été, la Deutsche Bahn avait dû gérer un conflit social lancé par le syndicat majoritaire EVG, qui représente quelque 180 000 agents.

Mise à jour : samedi 27 janvier à 14 h 40, ajout du changement d’heure pour la fin de la grève.