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Justice

En Allemagne, l’ex-secrétaire d’un camp nazi âgée de 99 ans condamnée à deux ans de prison

Agée de 18 à 19 ans au moment des faits, Irmgard Furchner était employée en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp de Stutthof, dans l’actuelle Pologne.
Irmgard Furchner au tribunal lors de son procès à Itzehoe, en Allemagne, le 20 décembre 2022. (Christian Charisius/AP)
publié le 20 août 2024 à 16h18

«Le verdict est définitif.» La Cour fédérale à Leipzig, dans l’est de l’Allemagne, a confirmé ce mardi 20 août la condamnation d’une ancienne secrétaire d’un camp de concentration nazi, ce qui pourrait être la dernière décision prononcée en Allemagne sur les crimes du IIIe Reich. Aujourd’hui âgée de 99 ans, Irmgard Furchner avait fait appel de sa condamnation à deux ans de prison avec sursis rendue fin 2022, au terme d’un procès mouvementé.

Près de quatre-vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plus haute instance judiciaire allemande a rejeté sa requête. Une décision saluée par le Conseil central des Juifs d’Allemagne. «Pour les survivants de la Shoah, il est extrêmement important de s’évertuer à une forme tardive de justice», a insisté son président, Josef Schuster, alors que les dossiers sur les crimes de l’ère nazie sont de plus en plus rares.

Agée de 18 à 19 ans au moment des faits – entre 1943 et 1945 –, Irmgard Furchner était employée en tant que dactylographe et secrétaire de Paul Werner Hoppe, le commandant du camp de Stutthof, dans l’actuelle Pologne. Un camp où périrent environ 65 000 personnes, dont de nombreux détenus juifs, mais aussi des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques, et qui fut le dernier à avoir été libéré par les Alliés, le 9 mai 1945. Travaillant à proximité des détenus, la nonagénaire était accusée de complicité dans les meurtres de plus de 10 000 personnes.

Elle «était au courant des meurtres»

«L’accusée a vu l’état physique catastrophique des prisonniers, le manque de nourriture et de vêtements, les conditions d’hygiène déplorables, et a en outre perçu l’odeur de chair humaine brûlée, présente quotidiennement, qui s’échappait de la cheminée du crématoire», a déclaré la juge de la cour fédérale de Leipzig, reprenant les motivations du tribunal de première instance. Elle «était au courant des meurtres commis par la direction du camp» et a, par son activité de secrétaire, «apporté un soutien direct au commandant du camp et aux autres SS travaillant à la direction du camp», a-t-elle ajouté. La défense d’Irmgard Furchner, au contraire, avait tenté de faire valoir qu’elle n’avait pas connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof.

En septembre 2021, son procès avait commencé de manière plus que rocambolesque. A l’ouverture des débats, la nonagénaire ne s’était pas présentée au tribunal de Itzehoe (dans le nord de l’Allemagne), quittant seule son logement dans un foyer pour personnes âgées. Elle avait pris un taxi pour rejoindre une station de métro de la périphérie de Hambourg, avant d’être retrouvée quelques heures plus tard. Sans avoir pris la parole durant son procès ni reconnu de culpabilité, Irmgard Furchner – qui arrivait dans la salle d’audience masquée et le visage dissimulé par de larges lunettes – avait déclaré lors des dernières audiences «être désolée pour tout ce qui s’est passé» et «regretter d’avoir été à Stutthof à ce moment-là».

Des procès rares

La peine symbolique de deux ans de prison avec sursis a tenu compte «de la fonction hiérarchiquement subordonnée et de la capacité de résistance éventuellement réduite de l’accusée en raison de l’endoctrinement» de l’époque, a poursuivi la cour fédérale de Leipzig, ce mardi. Ces dernières années, plusieurs procès d’anciens employés de camps nazis ont eu lieu en Allemagne, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, l’ancien gardien du camp d’extermination de Sobibor (dans l’actuelle Pologne), qui avait fait jurisprudence.

Mais compte tenu du grand âge des accusés, les procès n’ont pas toujours pu se tenir pour des raisons de santé. Ou, lorsqu’ils ont eu lieu, les condamnés meurent parfois avant d’être emprisonnés, comme ce fut le cas pour John Demjanjuk, mort en 2012. Josef Schütz, un ancien gardien de camp de concentration condamné en juin 2022 à cinq ans de prison, est lui mort moins d’un an plus tard à l’âge de 102 ans, alors que sa défense avait fait appel. En juin dernier, le tribunal de Hanau, près de Francfort, a refusé la comparution d’un ex-gardien du camp de Sachsenhausen, âgé de 99 ans, jugé incapable d’assister à son procès pour des raisons de santé.