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Antifascisme

Allemagne : plus de 1,4 million de manifestants ont défilé contre l’extrême droite ce week-end

Dix jours après les révélations sur un plan de déportation discuté entre des néonazis, des entrepreneurs et des cadres de l’AfD, des appels à manifester ont été lancés dans une centaine d’endroits ce week-end.
Des pancartes "Munich est colorée" et "Le fascisme n'est pas une opinion" lors d'une manifestation contre l'extrême droite dans la ville bavaroise, ce dimanche. (Michaela Stache/AFP)
publié le 20 janvier 2024 à 20h18
(mis à jour le 21 janvier 2024 à 18h26)

Après la démonstration de samedi, la confirmation ce dimanche. Plus de 1,4 million de personnes ont manifesté depuis vendredi dans des dizaines de villes à travers l’Allemagne contre le parti d’extrême droite AfD et son idéologie radicale, ont estimé dimanche deux des organisations qui appelaient à cette mobilisation. Ils ont marché contre le parti d’extrême droite AfD, dont des membres ont récemment discuté de l’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère lors d’un rassemblement d’extrémistes.

Samedi, ce sont des manifestations conséquentes qui ont eu lieu de l’autre côté du Rhin. Selon la chaîne de télé Tagesschau, quelque 250 000 personnes ont manifesté dans la journée à travers l’Allemagne. Et pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, ils seraient même plus de 300 000 citoyens à avoir marché.

Rebelote ce dimanche. Parmi les dizaines de cortèges prévus, celui de Munich n’a même pas pu démarrer. Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung toujours, l’organisateur de la manif contre les extrémistes de droite à Munich a annulé l’événement en raison de l’affluence, affirme un porte-parole de la police, qui parlait de 80 000 participants. Les organisateurs, eux, parlent de 250 000 manifestants. Parmi lesquels le maire de la ville bavaroise, Dieter Reiter (SPD), et Charlotte Knobloch, présidente de la communauté juive de Munich. Ailleurs, le journal quotidien allemand affirme que les foules sont plus nombreuses que ce que les organisateurs avaient prévu.

«Rien que dimanche, des actions de protestation ont eu lieu dans une quarantaine de villes, un signal clair contre l’AfD et les dérives droitières dans la société allemande», ont indiqué dans un communiqué l’organisation Friday for Future et l’alliance citoyenne Campact. La police n’a pas communiqué de chiffres globaux pour l’ensemble de ces rassemblements.

«Je suis vraiment inquiet pour notre démocratie»

Samedi, à Francfort, place forte de la finance allemande, ce sont 35 000 personnes qui se sont rassemblées, derrière une banderole «Défendre la démocratie - Francfort contre l’AfD». Un nombre similaire de manifestants ont convergé à Hanovre (nord), certains brandissant des pancartes «Les nazis dehors». Des manifestations ont été signalées à Braunschweig, Erfurt, Kassel et dans de nombreuses autres villes plus petites, à l’image des mobilisations quotidiennes cette semaine. Au total, de vendredi à dimanche soir, des appels à manifester ont été lancés dans une centaine d’endroits, dont Berlin dimanche.

Des politiciens, des leaders religieux et des entraîneurs de la Bundesliga, le championnat de football allemand, ont appelé la population à se mobiliser contre l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Le mouvement a été déclenché par la révélation le 10 janvier par le média d’investigation allemand Correctiv d’une réunion d’extrémistes à Potsdam, près de Berlin où, en novembre, un projet d’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère a été discuté. Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l’Autrichien Martin Sellner, et des membres de l’AfD. Martin Sellner y a présenté un projet pour renvoyer vers l’Afrique du Nord jusqu’à 2 millions de personnes – demandeurs d’asile, étrangers et citoyens allemands qui ne seraient pas assimilés –, affirme Correctiv.

Soulignant les leçons de l’histoire de l’Allemagne, le président du conseil de surveillance de Siemens Energy, Joe Kaeser, a mis en garde contre les dommages causés à l’image de l’Allemagne dans le monde et a appelé les entreprises allemandes à mettre publiquement en garde contre les conséquences de cette situation. «Nous ne devons pas répéter cette erreur. Je suis vraiment inquiet pour notre démocratie», a-t-il déclaré, après avoir annoncé sa participation aux manifestations.

Scission au sein de la CDU

Cette révélation a secoué l’Allemagne alors que l’AfD s’envole dans les sondages, à quelques mois de trois importantes élections régionales dans l’est du pays, où le parti compte le plus de partisans. Le mouvement anti-immigration a confirmé la présence de ses membres à la réunion, mais nié adhérer au projet de «remigration» porté par Martin Sellner.

Nombre de leaders politiques, dont le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, qui a participé à une manifestation le week-end dernier, ont souligné que tout plan visant à expulser des personnes d’origine étrangère était une attaque contre la démocratie. Scholz a appelé «chacun à prendre position – pour la cohésion, pour la tolérance, pour notre Allemagne démocratique».

«Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues partout en Allemagne ce week-end, rappelle ce dimanche Frank-Walter Steinmeier, le président fédéral d’Allemagne. Ce sont des gens très différents, mais ils ont tous un point commun : ils s’élèvent désormais contre la misanthropie et l’extrémisme de droite. Ils veulent continuer à vivre ensemble librement et en paix à l’avenir.» Et de poursuivre : «Ces gens […] défendent notre République et notre constitution contre ses ennemis. Ils défendent notre humanité. Nous avons désormais besoin d’une alliance de tous les démocrates : qu’ils vivent à la campagne ou en ville, qu’ils soient jeunes ou vieux, qu’ils soient ou non issus de l’immigration.»

Friedrich Merz, le chef du parti conservateur CDU, a quant à lui jugé samedi sur X «très encourageant que des milliers de personnes manifestent pacifiquement contre l’extrémisme». Mais, outre des membres de l’AfD, deux membres de la CDU, appartenant à la Werteunion, l’aile droite du parti qui revendique 4 000 membres, avaient également participé à la réunion divulguée par Correctiv. Le chef de la Werteunion, Hans-Georg Maassen, a annoncé ce samedi sa scission d’avec la CDU. «A une large majorité, les membres de la Werteunion ont voté pour la création d’un parti du même nom», a déclaré Hans-Georg Maassen. «Le parti pourrait d’ores et déjà concourir aux élections régionales dans l’est de l’Allemagne et travailler avec toutes les parties […] qui sont prêtes à un changement politique en Allemagne», a-t-il ajouté, n’excluant notamment pas une coopération avec l’AfD.

Mise à jour dimanche à 15h50 : avec la manif à Munich et la déclaration du président fédéral.

Mise à jour à 18h20 : avec le bilan du week-end.