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Libération
Scission

En Allemagne, Sahra Wagenknecht quitte Die Linke pour créer un parti populiste de gauche

Figure controversée de la gauche radicale, la femme politique a officiellement rompu avec son parti ce lundi 23 octobre pour créer une nouvelle formation. Elle entend durcir la politique migratoire autant qu’adoucir celle envers Moscou.
Sahra Wagenknecht à la sortie de sa conférence de presse, ce lundi 23 octobre à Berlin. (Michele Tantussi /AFP)
publié le 23 octobre 2023 à 15h34

La scission couvait depuis des mois. Le parti allemand de gauche Die Linke s’est officiellement fracturé ce lundi 23 octobre avec le départ de Sahra Wagenknecht et de neuf autres de ses collègues. Cette figure de la gauche radicale a officialisé vouloir monter un nouveau parti de populiste de gauche dont l’ambition est de contrer l’extrême droite en plein essor, quitte à en adopter une partie du discours.

«Nous avons décidé de créer un nouveau parti car nous sommes convaincus que les choses telles qu’elles sont ne peuvent pas continuer ainsi», a déclaré Sahra Wagenknecht, 54 ans, lors d’une conférence de presse. Elle a présenté une association, baptisée BSW pour «Bündnis Sahra Wagenknecht» («alliance Sahra Wagenknecht»), devant conduire à la création de ce mouvement qui, pour le moment et comme son nom l’indique, tourne entièrement autour de cette personnalité controversée, très connue en Allemagne.

Celle que Libé décrivait, dans un portrait de 1995, comme la «dernière indécrottable stalinienne de la défunte RDA» ne cache pas sa volonté de concurrencer l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le parti d’extrême droite qui a bondi dans le pays depuis un an dans les sondages – il est crédité de jusqu’à 22 % ou 23 % des intentions de vote – en surfant sur le mécontentement de l’opinion face à la hausse de l’immigration et la crise économique.

Réduction du nombre de migrants et des mesures écologiques

Au cours de sa conférence de presse, Sahra Wagenknecht s’en est pris essentiellement au gouvernement de centre-gauche d’Olaf Scholz, dont le parti social-démocrate est allié aux Verts et aux Libéraux du FDP. Dans un monde secoué par de graves crises internationales, «la République fédérale allemande a le plus mauvais gouvernement de son histoire qui agit de façon incompétente ou sans but», a-t-elle lâché, dénonçant entre autres les livraisons d’armes à l’Ukraine, ou les sanctions économiques contre Moscou qui privent l’Allemagne, pays industriel exportateur pauvre en matière première, de l’énergie bon marché dont elle a besoin.

«Cela inquiète bien sûr beaucoup de gens qui ne savent plus pour qui voter ou bien qui votent extrême droite par colère ou désespoir», a-t-elle argumenté. Elle a également de nouveau critiqué les mesures écologiques du gouvernement face au changement climatique et s’est aussi dite favorable à la réduction du nombre de migrants dans le pays. En 2016 déjà, après l’attaque terroriste sur le marché de Noël à Berlin, elle estimait que «non seulement l’ouverture des frontières n’est pas contrôlée, mais la police en est réduite à être inefficace. Elle n’a pas les ressources humaines ou techniques pour affronter la menace actuelle».

Enfin, elle a plaidé pour «le maintien de nos forces économiques», plus de justice sociale, des investissements dans les infrastructures et une «politique étrangère basée sur la paix». Autant de concepts qu’elle entend rassembler sous la bannière du «retour à la raison».

Réservoir de voix en ex-RDA

Comme l’AfD, Sahra Wagenknecht dispose de son principal réservoir dans l’ancienne Allemagne de l’Est communiste, où trois élections régionales (Saxe, Brandebourg et Thuringe) sont programmées l’an prochain. La responsable politique est née et a grandi dans cette partie du pays, où une frange importante de la population s’estime marginalisée. Elle chasse dans plusieurs domaines sur les terres de l’extrême droite. «L’AfD devrait se faire beaucoup de souci» face à l’émergence de ce parti concurrent, a affirmé le politologue Constantin Wurthmann sur la chaîne Phoenix. Selon un sondage Insa publié dimanche par le tabloïd Bild, 27 % des Allemands pourraient voter pour le nouveau parti populiste de gauche.

Désormais, il s’agit pour les sécessionnistes de Die Linke de rassembler fonds et donations pour pouvoir faire naître leur parti et participer aux élections européennes de juin. Si tant est que l’aventure aille au bout. Sahra Wagenknecht avait fait une première tentative fin 2018 en lançant un mouvement similaire, avant de renoncer six mois plus tard. Cette fois, elle pourrait profiter de la polarisation croissante de la société allemande et de l’impopularité record de l’opinion à l’égard de la coalition d’Olaf Scholz (71 % d’avis défavorables, selon une enquête Insa).