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Libération
Tueur en série

En Allemagne, un médecin jugé pour le meurtre d’au moins quinze de ses patients

Johannes M., 40 ans, comparaît à partir de ce lundi 14 juillet et pour plusieurs mois à Berlin. Au total, il pourrait avoir donné la mort sans leur consentement à plus d’une centaine de personnes.
Les avocats de l'accusé, au tribunal régional de Berlin, ce lundi 14 juillet. (Tobias Schwarz/AFP)
publié le 14 juillet 2025 à 12h00

Il pourrait être selon les médias allemands le plus grand tueur en série que le pays ait connu depuis la fin de la guerre. Un médecin spécialisé dans les soins palliatifs à domicile est jugé à partir de ce lundi 14 juillet à Berlin et pendant plusieurs mois pour le meurtre de quinze de ses patients. Mais les enquêteurs soupçonnent que le nombre de victimes soit bien plus élevé : âgé de 40 ans, Johannes M., marié et père d’un enfant, pourrait être à l’origine de 96 autres décès suspects, dont celui de sa belle-mère. Atteinte d’un cancer, la mère de son épouse est morte le week-end où le couple lui avait rendu visite en Pologne, début 2024. Toutes ces morts font actuellement l’objet d’une enquête, selon un porte-parole du parquet.

Pour le moment, le «Docteur la mort», comme l’a surnommé l’hebdomadaire Die Zeit, est officiellement poursuivi pour avoir tué douze femmes et trois hommes à Berlin entre septembre 2021 et juillet 2024. Il aurait administré à ses patients, âgés de 25 à 94 ans, «sans indication médicale ni consentement», un sédatif suivi d’un relaxant musculaire. Cette association entraîne «une paralysie des muscles respiratoires» puis «un arrêt respiratoire et la mort en quelques minutes», selon le parquet.

Dans au moins cinq cas, il est soupçonné d’avoir mis le feu au domicile de ses victimes pour masquer ses crimes. Elles résidaient en majorité dans des quartiers populaires du sud ou sud-est de la capitale allemande.

D’après plusieurs médias allemands, Johannes M. a étudié scientifiquement les homicides dans le cadre de sa thèse de doctorat en médecine, achevée en février 2013 quand il avait 28 ans. «Pourquoi les gens tuent ?» : ainsi commençait son mémoire, dans lequel il se penchait notamment sur les homicides non détectés et les homicides de patients.

«Pas d’autre motif que l’homicide»

Fin juillet 2024, sa cheffe a sonné l’alarme auprès de la police, selon Die Zeit. Au sein de ce service de soins à domicile berlinois, elle trouvait étrange que tant de patients de Johannes M. meurent si soudainement et que tant d’appartements brûlent au moment des décès.

Le médecin a été interpellé début août à son retour de vacances, au départ pour le meurtre de quatre patientes. Mais la liste de ses victimes présumées s’est allongée : elle est passée à huit en novembre, dix en février, puis quinze en avril.

L’été de son arrestation, Johannes M. est soupçonné d’avoir tué deux patients le même jour : le matin du 8 juillet, un homme de 75 ans dans son logement de Kreuzberg, dans le centre de Berlin, puis quelques heures plus tard une femme de 76 ans dans l’arrondissement voisin de Neukölln, où il aurait mis le feu à son logement. La tentative d’incendie ayant échoué, «il aurait prévenu un proche de la femme et affirmé être devant son appartement mais que personne ne répondait à sa sonnette». Jusqu’ici, Johannes M. n’a pas avoué les faits.

Le suspect «n’aurait pas eu d’autre motif que l’homicide», estime le parquet. Celui-ci requiert une condamnation assortie d’une reconnaissance de gravité particulière, entraînant un supplément de détention, et une interdiction à vie d’exercer sa profession. D’ici à janvier prochain, au moins 35 audiences sont prévues dans le cadre de son procès.

D’autres affaires similaires dans le pays

Cette affaire fait écho au cas d’un soignant tueur en série qui avait sévi au début des années 2000 : Niels Högel, un ex-infirmier souffrant d’«un trouble narcissique sévère», selon les psychiatres, avait été condamné en juin 2019 à la perpétuité pour le meurtre d’au moins 85 patients dans deux hôpitaux en Basse-Saxe, dans le nord-ouest de l’Allemagne.

Entre 2000 et 2005, il avait provoqué des arrêts cardiaques chez des patients choisis arbitrairement pour essayer ensuite de les réanimer, espérant ainsi passer pour un héros auprès de ses collègues. Les enquêteurs estimaient alors que le bilan pourrait en réalité dépasser les 200 victimes, de nombreux patients ayant été incinérés.

En mai 2023, un infirmier de 27 ans avait également condamné à Munich à la prison à vie pour le meurtre de deux patients et six tentatives sur d’autres malades, dont l’intellectuel allemand Hans-Magnus Enzensberger.