En Azerbaïdjan, le vainqueur des élections porte toujours le même nom. Ilham Aliyev a pris la suite de son père, Heydar Aliyev, et dirige le pays d’une main de fer depuis 2003. Ni le père ni le fils n’ont jamais perdu un scrutin, et les législatives de dimanche 1er septembre n’ont pas fait exception. Le nom du président azerbaïdjanais, réélu au début de l’année pour un cinquième mandat, ne figurait pas directement sur les bulletins mais son parti, Yeni Azerbaïdjan, a remporté la majorité des sièges. Sur les 125 députés, 68 sont issus de Yeni Azerbaïdjan, 12 d’autres formations fidèles au pouvoir et 45 sont formellement indépendants. L’opposition sera représentée par un seul député, élu d’Alternative républicaine.
«Les élections législatives n’ont pas offert aux électeurs de véritables alternatives politiques et se sont déroulées dans un cadre juridique restreignant beaucoup trop les libertés fondamentales», indique la mission d’observation de l’OSCE. Plusieurs candidats se sont retirés de la course après avoir été intimidés et de multiples cas d’électeurs ayant voté dans plusieurs bureaux ont été documentés. Quant à la commission électorale, elle est entièrement sous le contrôle du parti au pouvoir.
Douze à vingt ans de prison
Ces élections se sont tenues deux mois et demi plus tôt que prévues, à la demande du Parlement sortant, pour «représenter plus efficacement l’Azerbaïdjan lors de la COP29» qui doit se tenir dans le pays en novembre. A l’approche du sommet, que Bakou veut utiliser comme une vitrine, la répression se durcit. Déjà rares, les voix dissidentes sont menacées par une vague d’arrestations. Le 21 août, le chercheur Bahruz Samadov, doctorant en sciences politiques à l’université Charles de Prague, a été arrêté et accusé de trahison de l’Etat. Quelques jours plus tard, son maintien en détention provisoire a été confirmé par la justice pour au moins quatre mois. Soupçonné d’avoir violé l’article 274 du code pénal, qui vise les comportements préjudiciables à «la souveraineté, l’intégrité territoriale, la sécurité de l’Etat ou la capacité de défense de la République d’Azerbaïdjan», il encourt douze à vingt ans de prison.
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Selon ses proches, le jeune homme, habitué à publier des éditos dans les médias régionaux, paierait ses positions favorables à la paix avec l’Arménie et ses critiques de la guerre dans le Haut-Karabakh. Peu de temps après son incarcération préventive, l’activiste pro-paix Samad Shikhi et le chercheur et journaliste indépendant Cavid Aga ont eux aussi été arrêtés puis rapidement relâchés. Leur entourage estime que les autorités ont tenté de faire pression sur les deux hommes pour qu’ils témoignent contre Bahruz Samadov.
«Les activistes pacifistes sont désormais ciblés ouvertement»
«Vous savez ce que je comprends mieux désormais ? Ce n’est pas la police, le gouvernement ou les services secrets qui vous réduisent au silence, c’est la peur. Ce sont vos amis et vos proches qui n’arrêtent pas de vous dire “n’écrit pas ça”, “ne poste pas ci”», écrit sur X Cavid Aga, qui a été arrêté à l’aéroport de Bakou alors qu’il s’apprêtait à partir étudier à l’étranger. Comme Samad Shikhi, il a depuis été interdit de quitter le pays et l’enquête sur son cas est toujours en cours.
«La répression a augmenté depuis 2023. On connaissait les attaques contre l’opposition et les médias indépendants mais la répression évolue. Les activistes pacifistes sont désormais ciblés ouvertement, explique dans une interview à la BBC la journaliste azerbaïdjanaise Arzu Geybulla qui s’est réfugiée en Turquie. Bahruz Samadov et Samad Shikhi ont défendu la paix, ils se sont beaucoup fait entendre pendant la guerre du Karabakh en 2020. Qu’on les prenne pour cible aujourd’hui, à un moment où l’Azerbaïdjan et l’Arménie négocient un traité de paix, c’est très inquiétant.»
Plus tôt dans l’été, un autre chercheur, Igbal Abilov a lui aussi été arrêté et accusé de trahison. Il est toujours en détention, comme l’économiste Farid Mehralizada, arrêté en juin pour «trafic de devises étrangères», aux côtés de plusieurs journalistes d’Abzas Media.