Kyiv se tourne vers la Chine pour contrer le renforcement des liens de Pékin avec Moscou et pour parvenir à «une paix juste». Dmytro Kouleba, le chef de la diplomatie ukrainienne, s’est entretenu ce mercredi avec son homologue chinois lors de sa première visite en Chine depuis le début de l’invasion russe. L’objectif du déplacement entamé mardi : «une recherche des moyens de mettre un terme à l’agression russe», a indiqué son ministère.
«Salutations depuis la Chine. Après un long voyage, mais qui en valait la peine», a déclaré le ministre ukrainien des Affaires étrangères sur les réseaux sociaux à son arrivée dans la «lointaine» Chine pour son voyage diplomatique de deux jours. La rencontre, qui a eu lieu à l’initiative de son homologue chinois, Wang Yi, a duré «plus de trois heures, bien plus longtemps que prévu», selon une source ukrainienne citée par Reuters. Dmytro Kouleba a réitéré la position de l’Ukraine : elle est prête à négocier avec la Russie lorsque «celle-ci sera prête à le faire de bonne foi», ce qui signifie pour les Ukrainiens, lorsqu’elle aura retiré ses troupes du territoire ukrainien. Le ministre a donc souligné, qu’actuellement, cette «bonne foi» n’est pas avérée. «Je suis convaincu qu’une paix juste en Ukraine correspond aux intérêts stratégiques de la Chine et que le rôle de la Chine en tant que force mondiale pour la paix est important», a-t-il ajouté sur le site du ministère ukrainien des Affaires étrangères. Pékin, de son côté, a estimé que «la Russie et l’Ukraine ont récemment montré, à des degrés divers, qu’elles étaient disposées à négocier», a déclaré Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise.
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Selon Kouleba, il s’agit de la première visite bilatérale d’un haut fonctionnaire ukrainien en Chine depuis 2012. Ce déplacement intervient également à la suite de la suggestion de Zelensky «d’ouvrir la porte à des pourparlers» avec la Russie, envisageant même la participation de Moscou à une future conférence sur la paix en Ukraine. Mais encore une fois, à condition que Moscou soit prêt à retirer ses troupes. Pékin avait refusé de participer au dernier sommet, organisé en Suisse en juin, en raison de l’absence de la Russie et de perspectives limitées des avancées.
«Un retour à la table des négociations»
Pékin maintient une position ambiguë. Officiellement, la Chine prône un «cessez-le-feu rapide» du conflit et soutient «la paix et le dialogue, la recherche des moyens de règlement politique de la crise ukrainienne», comme l’a réaffirmé Mao Ning, selon l’AFP. Dans sa déclaration, Wang Yi, chef de la diplomatie chinoise, a également souligné que la Chine est devenue le plus grand partenaire commercial et exportateur de produits agricoles de l’Ukraine. Selon le GMK Center, groupe de réflexion basé en Ukraine, le pays figure parmi les trois principaux exportateurs de l’Ukraine entre janvier et avril de cette année. «Etant des pays amis», Pékin se dit préoccupé par «la crise entrée dans sa troisième année» et promet de «continuer à fournir de l’aide humanitaire».
Malgré ses appels à «un retour à la table des négociations» et à l’arrêt des combats, le géant asiatique n’a jamais formellement condamné l’invasion russe de l’Ukraine et a accusé l’Otan de négliger les préoccupations de Moscou. D’un autre côté, Pékin a toutefois prôné l’an passé le respect de l’intégrité territoriale de tous les États, donc de l’Ukraine.
Pékin en médiateur ?
Les analystes sont divisés sur l’issue de cette visite. En Chine, on estime que le rôle de Pékin est crucial et positif pour arriver à une résolution du conflit. Li Ziguo, de l’Institut chinois d’études internationales, affirme dans le China Daily que «la Chine a toujours joué un rôle constructif dans la promotion des négociations de paix.» D’autres, plus sceptiques, estiment que Pékin cherche avant tout à préserver ses intérêts économiques et géopolitiques. Selon le politologue Maxim Dzhyhun, «à long terme, le renforcement de la Russie constitue un risque pour la Chine. Elle souhaiterait transformer l’Ukraine en une zone d’influence en Europe, un hub logistique et industriel majeur,» explique le spécialiste dans The New Voice of Ukraine, média en ligne ukrainien.
Mais la situation est loin d’être simple. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment accusé la Chine d’alimenter indirectement le conflit en Ukraine en fournissant à la Russie des composants pour son industrie de défense. Cette visite pourrait ainsi se révéler être un véritable test pour la Chine qui dit se vouloir médiatrice, mais continue à jouer un rôle ambigu tant auprès de Kyiv que de Moscou.