Menu
Libération
Elections

En Ecosse, Nicola Sturgeon trace la route du référendum d’indépendance

Donné favori des sondages pour les élections législatives prévues le 6 mai, le parti indépendantiste (SNP) fait à nouveau campagne sur l’organisation d’un vote pour quitter le Royaume-Uni et rester dans l’Union européenne.
La cheffe de l’exécutif écossais, Nicola Sturgeon, à North Berwick (Ecosse), lundi. (Andrew Milligan /AFP)
publié le 30 avril 2021 à 10h43
(mis à jour le 30 avril 2021 à 10h43)

Un nouveau référendum sur l’indépendance aura-t-il lieu ? En septembre 2014, les Ecossais s’étaient prononcés à plus de 55% contre celle-ci. Mais à l’époque, ils pensaient aussi rester dans l’Union européenne (UE). C’était avant le Brexit, rejeté en bloc par les Ecossais. Et dans un Royaume-Uni brexité, l’indépendance, nourrie par le sentiment d’être négligé par les hautes sphères d’une capitale déconnectée, rencontre un écho favorable au nord du mur d’Hadrien. L’organisation d’un nouveau vote et les enjeux d’une indépendance écossaise agitent presque à eux seuls la campagne pour les élections de la sixième législature du Parlement écossais, prévues le 6 mai.

«Cela fait un peu plus d’un an qu’une grande partie des sondages donne l’indépendance gagnante. C’est sans précédent», note Nathalie Duclos, professeure des universités à Toulouse Jean-Jaurès, bien que quelques récents sondages viennent modérer l’enthousiasme des indépendantistes. Les Ecossais semblent divisés en deux camps très serrés. Le parti indépendantiste (Scottish National Party, SNP), mené par la Première ministre depuis 2014, Nicola Sturgeon, est favori, devant les conservateurs qui recueillent une bonne partie des voix anti-indépendance. Les unionistes progressistes du Labour (parti travailliste) peinent à dépasser 20% des intentions de vote. Leur candidat, Anwar Sarwar, renvoie dos à dos conservateurs et indépendantistes, un «faux choix» qui empêche de se concentrer sur la pandémie et l’emploi.

«Deux schémas possibles pour notre nation»

«L’enjeu de cette élection est de donner la possibilité aux Ecossais de choisir entre deux schémas possibles pour notre nation. Soit un petit Etat indépendant qui tente de rentrer à nouveau dans l’Europe. Soit dans la Grande-Bretagne post-Brexit de Boris Johnson», lâche Patrick Harvie, le candidat des Verts, lors d’un débat sur la chaîne publique Channel 4 mardi soir. Les écolos, alliés indépendantistes du SNP à Holyrood, composent aujourd’hui la majorité du Parlement national créé en 1999 à la faveur de la décentralisation («devolution»).

Nicola Sturgeon tente cette fois-ci de conquérir les quelques sièges manquants pour atteindre la majorité absolue, une tâche compliquée par le système électoral à la proportionnelle mixte. Les Ecossais votent dans un premier temps pour le représentant de leur circonscription : il y a 73 sièges, autant que de circonscriptions. Pour compléter l’hémicycle, des listes par parti se présentent à l’échelle de leur région, et se répartissent les sièges suivants à la proportionnelle. Avec une majorité absolue, le SNP espère couper la chique à Londres, qui a déjà échaudé les indépendantistes à plusieurs reprises depuis 2016.

«Un pays relativement riche»

Car étant donné qu’il s’agit de questions relatives à la Constitution, Westminster doit déléguer ses compétences de façon temporaire au Parlement écossais, selon la section 30 du Scotland Act, signé en 1998. En cas de refus, Nicola Sturgeon propose d’organiser le référendum de toute façon et profiter du flou législatif pour pousser le débat devant les tribunaux. «Cette alternative présente le risque d’être confronté à un défi juridique et de ne pas être considérée comme légitime par toutes les parties du débat», explique Nicola McEwen, professeure de sciences politiques à l’université d’Edimbourg.

Mais la sortie du Royaume-Uni de l’UE complexifie la création d’une frontière entre l’Ecosse et l’Angleterre et alimente l’argumentaire unioniste qui pointe les incertitudes économiques liées à l’indépendance. Une étude de la London School of Economics publiée en février estime que de nouveaux obstacles à la circulation des personnes et des marchandises sur l’île – l’indépendance combinée au Brexit – réduiraient le revenu par habitant de 6% à 9%.

L’Institut des études fiscales, dans une étude publiée lundi, constate de son côté que la perte des transferts fiscaux de Westminster créerait un important déficit public. «Ça ne veut pas dire que l’Ecosse ne peut pas se permettre d’être indépendante. L’Ecosse est un pays relativement riche. Mais elle devrait s’assurer qu’elle vive à la hauteur de ses moyens, plutôt que d’avoir des transferts fiscaux du reste du Royaume-Uni», explique l’un de ses directeurs, David Phillips, auprès de The National.

«Dossier interne»

A ceux qui pointent du doigt ces conséquences économiques incertaines, les indépendantistes rétorquent qu’ils prévoient toujours de rejoindre l’UE pour accéder au marché unique et commercer avec les Vingt-Sept. «Même si j’ai l’impression qu’il y a une plus grande sympathie aujourd’hui à Bruxelles pour les indépendantistes écossais, je ne pense pas que l’Union européenne prévoit de se positionner sur ce sujet si incertain. D’autant plus qu’elle a déjà considéré qu’il s’agissait d’un dossier interne sur lequel elle n’avait pas à interférer, constate toutefois Nicola McEwen. Le SNP reconnaît qu’il n’a pas encore de réponse et cette question dépendra aussi de la manière dont la relation entre le Royaume-Uni et l’UE évolue.»

Face à toutes ces incertitudes, les indépendantistes n’ont pas encore de réponse. Nathalie Duclos ajoute : «Quand on voit la durée des négociations sur le Brexit, combien de temps cela va-t-il prendre pour que l’Ecosse négocie son indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, auquel elle appartient depuis trois cents ans ?»