Le traumatisme est toujours là et la peur de la réplique grandit. Ce mardi 12 novembre, sur les sites de tous les plus grands médias espagnols, on parle avec inquiétude du retour de la «dana». Acronyme pour «dépression isolée en haute altitude», aussi appelé phénomène de la goutte froide, la dana est le phénomène météorologique responsable des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région de Valence fin octobre et qui ont engendré des inondations soudaines et meurtrières. En ce début de semaine, un nouvel épisode de dana doit toucher l’Espagne. L’Aemet, l’Agence météorologique nationale, a placé ces mardi, mercredi et jeudi une partie des régions de Valence, des Baléares ou encore de la Catalogne en vigilance orange pour de fortes pluies, faisant craindre un retour des inondations. Coupée en deux par une coulée de boue au niveau d’Almeria, dans le sud du pays, l’autoroute A-7 en a eu un avant-goût dès lundi.
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— InfoEspaña-24h (@InfoSpain24h) November 11, 2024
Autovía A-7 a la altura del municipio de Balanegra (Almería) anegada por el agua dificultando el tráfico. Se pide precaución ⚠️.#Almería #Lluvias #inundación #elejido #andalucia #españa #URGENTE pic.twitter.com/QYIEGe7k77
A Valence et dans les villes alentour, le plus gros des intempéries devrait se produire mercredi. Jusqu’à 120 mm de pluie pourraient s’abattre par endroits en l’espace de douze heures selon l’Aemet. De quoi laisser craindre une nouvelle catastrophe, alors que de nombreuses communes portent toujours les stigmates de la brusque montée des eaux du 29 octobre. Si les transports en commun – bus et trains – doivent avoir presque tous repris les liaisons entre Valence et le reste de l’Espagne cette semaine, la situation n’est pas encore pour autant revenue à la normale. Sur place, des milliers de volontaires, de soldats, de policiers et de secouristes sont toujours à pied d’œuvre pour réparer les infrastructures, distribuer de l’aide et rechercher les derniers disparus. Les autorités sont toujours sans nouvelles d’une vingtaine de personnes – les espoirs de les retrouver vivantes sont quasi nuls – alors que 222 personnes sont mortes dans les inondations, selon le dernier bilan diffusé par le gouvernement.
Il reste aussi de la boue par endroits, des marques marron qui collent encore à la chaussée et sur les murs, malgré le déblayage et une odeur nauséabonde flotte dans l’air, décrite par des habitants comme ressemblant à de «l’œuf pourri» ou du «soufre». Si «aucune épidémie liée aux inondations n’a été détectée» selon la ministre de la Santé, plusieurs volontaires se sont plaints de migraines et de vertiges après avoir trop longtemps respiré ces odeurs. Un protocole de surveillance a été mis en place pour «prévenir les infections et les maladies transmises par les agents se trouvant dans la boue et les eaux stagnantes». Par ailleurs, les autorités sanitaires de la province de Valence disent porter une attention particulière au risque de prolifération de moustiques et appellent les communes à adopter des mesures pour les en empêcher.
Une cinquantaine de militaires et pompiers français envoyés
Pour prêter main-forte au personnel mobilisé depuis quinze jours, l’Espagne a sollicité lundi soir la solidarité européenne – elle n’avait jusqu’à présent pas donné suite aux propositions de certains pays de lui envoyer du renfort. «Dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, quarante sapeurs-sauveteurs des formations militaires de sécurité civile et une dizaine de sapeurs-pompiers territoriaux vont dans les prochaines heures être engagés en soutien de la population durement touchée», a annoncé dans la foulée sur X Bruno Retailleau.
Ce soir, l’Espagne a sollicité la solidarité européenne pour l’aider à faire face aux conséquences des tragiques inondations de la semaine dernière ayant touché la région de Valence. La France s’est immédiatement portée disponible. Dans le cadre du mécanisme européen de… pic.twitter.com/l6erqSzRWx
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) November 11, 2024
La région valencienne a par ailleurs vu débarquer ce mardi le roi Felipe VI qui s’est rendu auprès de militaires déployés sur place. La dernière visite du souverain, aux côtés du Premier ministre Pedro Sánchez et du chef gouvernement régional Carlos Mazón, avait été explosive : les trois hommes avaient été visés par des insultes et des jets de boue de la part de sinistrés exaspérés par le manque de réactivité des autorités lors de la catastrophe. Mazón, avocat de 50 ans et figure du Parti populaire (droite), est accusé d’avoir tardé à réagir alors que l’Aemet avait émis une alerte rouge dès le matin du 29 octobre. Samedi 9 novembre, 130 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Valence pour appeler à sa démission.
Lundi, Pedro Sánchez a demandé à la population de s’armer de patience. «Plus tard, le débat politique portera sur les choses à améliorer face à cette urgence climatique et, sans aucun doute, face à la prise de responsabilités politiques qui, bien entendu, devront être justifiées», a déclaré le Premier ministre, appelant au passage à «écouter la science» et à «renforcer les services publics» pour apporter «une réponse efficace face aux catastrophes naturelles» – un tacle envers Mazón, accusé d’être climatosceptique. Le Premier ministre issu du PSOE, le Parti socialiste ouvrier espagnol, a par ailleurs annoncé un plan de 110 nouvelles mesures chiffrées au total à 3,8 milliards d’euros pour aider notamment les agriculteurs et financer l’évacuation des «milliers de tonnes de boue et de débris». Ces mesures viennent s’ajouter à un plan de 10,6 milliards d’euros déjà présenté la semaine dernière par Pedro Sánchez pour aider les sinistrés et les municipalités touchées.