«Je ne crois pas qu’il y ait dans toute l’Espagne un autre fleuve, une autre rivière, interdite d’accès.» Cela fait des années que Francisco Mena montre cette bizarrerie et pourtant lui-même s’en étonne encore. Cheveux blancs, mince, septuagénaire aussi énergique que précis, le président de la Coordinadora alternativa, qui lutte contre les conséquences du trafic de drogue dans la région, désigne une sorte de barrière fluviale : une dizaine de pilotis en béton reliés par une ceinture en acier et aménagés sur toute la largeur du Rio Guadarranque, à l’endroit de son embouchure. Clairement, avec pareil dispositif, il est impossible de naviguer. Au-delà, l’impressionnante baie d’Algesiras – premier port de conteneurs du pays –, une centrale thermique, et le «Rocher» de Gibraltar. Depuis l’installation de ce barrage en 2017, les narcotrafiquants ne peuvent plus passer pour transporter leur cargaison de haschich vers une myriade de mini-embarcadères.
«Sauf lorsqu’ils sabotent la chaîne, cela arrive de temps en temps, raconte Francisco Mena. C’est que pour eux, qui viennent des côtes du Maroc surtout, la pénétration via une rivière comme celle-ci est la voie idéale. C’est pourquoi ils insistent.» «Ils», ce sont les divers clans qui font transiter de la drogue via l’Andalousie, avec cette préférence historique pour le détroit de