Ce devait être un événement sans précédent. Mais la Haute cour de justice de Catalogne a refusé, ce mercredi 11 octobre, d’ouvrir une enquête sur des tortures subies par un syndicaliste pendant la dictature franquiste. L’enquête avait été réclamée par le parquet espagnol le 21 septembre dernier, suite à l’approbation d’une loi phare du gouvernement de gauche.
Le juge chargé de se prononcer sur cette affaire a refusé d’ouvrir l’enquête car les faits sont «prescrits et font l’objet d’une amnistie» et car ils «ne constituent pas un crime contre l’humanité pour torture», s’est justifiée la plus haute instance judiciaire barcelonaise.
Pour aller plus loin
Cette décision douche les espoirs des organisations des victimes du régime au pouvoir entre 1939 et 1975. Ces dernières comptaient sur l’appui du parquet afin de créer un précédent, alors qu’elles ont, jusqu’à récemment, vu toutes leurs plaintes rejetées notamment au nom de la loi d’amnistie. Cette dernière a été adoptée en 1977 lors de la transition vers la démocratie et empêche les poursuites. Le refus d’ouvrir cette enquête va néanmoins faire l’objet d’un «appel», annoncé par les autorités régionales catalanes.
La plainte avait été déposée en novembre 2022 par un ancien syndicaliste, Carles Vallejo, qui assure avoir été détenu et torturé dans un commissariat de police de Barcelone au début des années 1970 afin de livrer des informations sur ses activités. Elle avait reçu en septembre le soutien du parquet de la ville catalane, qui avait réclamé l’ouverture d’une enquête pour «crimes contre l’humanité et tortures», en vertu du nouveau cadre pénal en vigueur en Espagne depuis l’approbation en octobre 2022 de la loi sur la mémoire démocratique.
«Modèle d’impunité basé sur le silence et l’oubli»
Ce texte, destiné à réhabiliter la mémoire des victimes de la Guerre civile (1936-1939) et du franquisme (1939-1975), impose désormais à la justice «d’enquêter sur les violations» présumées «des droits de l’Homme» survenues durant cette période noire de l’histoire espagnole. Dans un communiqué, l’organisation de défense des droits de l’homme Iridia, qui avait soutenu la plainte de l’ancien syndicaliste, a regretté la décision du tribunal. Ce refus d’enquêter «constitue une violation du droit à la vérité, à la justice et à la réparation», et perpétue le «modèle d’impunité basé sur le silence et l’oubli toujours en vigueur» en Espagne, a-t-elle regretté.
En septembre, les associations de victimes avaient en revanche célébré l’audition par un juge madrilène de Julio Pacheco Yepes, retraité de 67 ans devenu la première victime de torture de la dictature à témoigner devant un juge depuis la mort de Franco en 1975. La plainte de cet ancien membre d’une organisation étudiante antifranquiste avait été admise en mai par un juge d’instruction de Madrid, mais sans le soutien du parquet espagnol.