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Justice

En Espagne, l’épouse du Premier ministre Pedro Sánchez citée à comparaître dans une affaire de corruption

Begoña Gómez, la femme du Premier ministre espagnol, est citée à comparaître début juillet en tant que suspecte dans une enquête la visant pour corruption et trafic d’influence, malgré une demande du parquet espagnol de la classer sans suite.
Begoña Gómez dans un bureau de vote le 23 juillet 2023. (Javier Soriano/AFP)
publié le 4 juin 2024 à 19h08

L’étau judiciaire se resserre sur Begoña Gómez. L’épouse du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez est citée à comparaître le 5 juillet à 10 heures «en qualité de suspecte» dans une enquête la visant pour corruption et trafic d’influence, comme l’a annoncé le Tribunal supérieur de justice de Madrid ce mardi 4 juin. Dans un bref communiqué de trois lignes, l’instance judiciaire a évoqué «des délits présumés de corruption dans le secteur privé et de trafic d’influence». Au centre de toutes les attaques de l’opposition depuis des semaines, cette affaire empoisonne la vie du dirigeant socialiste Pedro Sánchez. Fin avril, il avait créé la surprise après l’annonce de l’ouverture de l’enquête, lorsqu’il avait affirmé envisager de démissionner et suspendu ses activités pendant cinq jours, avant de finalement rester à son poste.

Interrogée à l’issue du conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Pilar Alegria, a affirmé ce mardi qu’il n’y avait «rien de rien» dans le dossier et dénoncé «les mensonges et la désinformation» ayant conduit à l’ouverture de cette enquête, dont la droite et l’extrême droite sont, selon elle, à l’origine. Elle a également souligné l’«étrangeté» du timing de cette annonce, à quelques jours des élections européennes, laissant entendre que le magistrat en charge de l’affaire avait des arrière-pensées politiques.

L’opposition de droite a, pour sa part, applaudi cette décision et appelé le Premier ministre à démissionner. Pedro Sánchez doit «assumer ses responsabilités immédiatement» et «communiquer sa décision au pays», a lancé le chef du Parti populaire (PP, droite conservatrice), Alberto Núñez Feijóo. «N’importe quel président [du gouvernement] ayant un minimum de dignité aurait démissionné aujourd’hui même», a renchéri le porte-parole du parti, Borja Semper, devant la presse.

Des «indices suffisants»

L’annonce du Tribunal supérieur de justice de Madrid fait suite au rejet, le 29 mai, de la demande du parquet de classer sans suite l’enquête visant Begoña Gómez. Un tribunal madrilène avait alors jugé «inhabituelle» la volonté du parquet «d’empêcher toute investigation» et jugé que «les indices concernant la commission présumée d’un délit» étaient «suffisants» pour justifier la poursuite de l’enquête préliminaire. Ces indices sont «plus que de simples soupçons», avait-il insisté, rendant dès lors la citation à comparaître de la femme du Premier ministre inévitable. Ceci en dépit d’un rapport de la Garde civile, qui concluait pourtant à l’absence d’indices.

Dans sa décision du 29 mai, le tribunal ayant rejeté le recours du parquet avait limité le champ des investigations au soutien apporté par Begoña Gómez, via des lettres de recommandation, à un entrepreneur dans le cadre d’appels d’offres publics d’un montant de dix millions d’euros – qu’il a remportés. Le tribunal avait, en revanche, mis de côté les liens noués par Begoña Gómez avec le PDG du groupe touristique espagnol Globalia, au moment où celui-ci négociait des aides publiques en pleine pandémie de Covid-19 pour sa compagnie aérienne, Air Europa. Une «simple conjecture», avait-il estimé.

Une «stratégie de harcèlement et de démolition»

L’enquête a été ouverte le 16 avril après une plainte d’un collectif proche de l’extrême droite appelé «Manos limpias» (Mains propres), qui avait lui-même reconnu que sa démarche reposait uniquement sur des articles de presse.

Fragilisé par cette affaire, Pedro Sánchez avait ainsi dénoncé fin avril une «stratégie de harcèlement et de démolition» émanant de «médias fortement marqués à droite et à l’extrême droite» et soutenue, selon lui, par l’opposition conservatrice. «Ma femme est honnête dans sa profession, sérieuse et responsable et mon gouvernement est un gouvernement propre», lançait-il il y a deux semaines devant les députés, se disant «sûr que la justice classera bientôt» l’affaire.

Le mois dernier, ces accusations contre Begoña Gómez ont aussi été au centre d’une crise diplomatique avec l’Argentine. Le sulfureux président ultralibéral argentin Javier Milei, en visite à Madrid, avait alors relayé les attaques de la droite espagnole contre Begoña Gómez, la qualifiant de «corrompue».