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Houille houille houille

En Europe, l’occasion refait le charbon

Désormais moins chère que celle produite avec d’autres énergies fossiles, l’électricité tirée de la houille et du lignite est de nouveau plébiscitée par de nombreux Etats européens, à contre-courant des objectifs environnementaux.
La mine de Turów , près de la ville de polonaise de Bogatynia. (Pepa Dvořáček/Libération)
publié le 26 octobre 2021 à 5h42

C’est un drôle de gagnant de la crise de l’énergie. En Europe, la hausse brutale du prix du gaz et de l’électricité a remis le charbon sur le devant de la scène, alors que son déclin semblait acté. Depuis des semaines, le prix du kilowattheure le plus bas d’Europe se trouve régulièrement du côté de la Pologne, suivie généralement par la République tchèque ou l’Allemagne. Soit trois des cinq pays de l’Union européenne qui dépendent le plus du charbon, à hauteur respectivement de 70 %, 40 % et 24 %.

Le prix de la houille et du lignite n’a pas échappé à l’envolée générale en doublant depuis le début de l’année, mais cette hausse est restée plus raisonnable que celle du gaz, dont le prix a quadruplé cette année. Même en prenant en compte la taxe carbone européenne, l’électricité issue du charbon est aujourd’hui moins chère que celle produite avec les autres fossiles. A l’échelle continentale, cette nouvelle donne a créé des écarts majeurs. En octobre, le prix de gros de l’électricité en Pologne était en moyenne de 105 euros par mégawattheure (le plus bas d’Europe) contre 220 euros en Italie (le plus élevé). Dans les pays où les installations industrielles le permettent, des centrales à gaz ont été mises au ralenti et des centrales à charbon relancées. En Allemagne, la part d’électricité produite avec du charbon au troisième trimestre 2021 a ainsi augmenté de 20 % par rapport à la même époque l’an dernier.

Prétexte tout trouvé

Ce retour en grâce du charbon va à rebours non seulement des objectifs environnementaux européens, mais aussi de la tendance observée depuis dix ans dans tous les Etats membres. Même dans les pays les plus dépendants de la houille et du lignite pour l’électricité, leur part a nettement diminué, passant par exemple de 49 % en 2010 à 33 % en 2020 en Bulgarie, ou de 87 % en 2010 en Pologne à 70 % aujourd’hui. Le marché carbone européen a pesé sur cette baisse continue en rendant le charbon moins compétitif. Depuis deux ans et jusqu’au mois de juillet, quand la tendance a rebasculé, le charbon était devenu plus cher que le gaz en Europe, notamment grâce à la taxe carbone.

La hausse des prix de l’énergie offre désormais un prétexte tout trouvé aux pays d’Europe centrale et de l’Est qui appellent à ralentir la transition environnementale et à réduire le prix du carbone. «Nous devrions analyser en détail tous les éléments du paquet Fit for 55 [le «green deal» prévoyant la baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ndlr] qui peuvent avoir un impact négatif sur le prix de l’énergie et envisager leur révision ou leur report», réclame ainsi Varsovie. Pourtant, les énergies à meilleur marché ne sont ni les fossiles ni le nucléaire. Ce sont les renouvelables, éolien comme solaire. Contrairement au gaz et au charbon, leur prix a constamment baissé depuis dix ans.