Dans les rues de Finlande, les drapeaux sont en berne ce mercredi 3 avril. Hier, un enfant de 12 ans a ouvert le feu dans l’enceinte de son école à Vantaa, à une vingtaine de kilomètres au nord d’Helsinki. Un garçon de sa classe est mort, et deux petites filles ont été gravement blessées. Tous sont âgés de 12 ans. Dans la foulée, le suspect muni d’une arme à feu a été arrêté par la police.
Une tragédie qui ravive de douloureux souvenirs pour les habitants. Car ce n’est pas la première fois que le pays nordique – pourtant réputé pour être l’un des plus heureux au monde – fait face à une telle situation. En novembre 2007, un homme de 18 ans avait ouvert le feu dans une école de Jokela, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale. Huit personnes, dont six élèves, avaient été tuées par l’assaillant. Moins d’un an après, en septembre 2008, c’est un homme de 22 ans qui avait déclenché son revolver dans une école professionnelle de Kauhajoki, dans le sud-ouest du pays, tuant dix personnes avant de se suicider.
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Des fusillades qui avaient profondément secoué le pays. «Ce fut un choc énorme pour le système éducatif finlandais, et pour la société en général», se souvient Tomi Kiilakoski, chercheur spécialisé sur la violence scolaire et sa prévention. Un tel choc, que les autorités avaient décidé d’entreprendre plusieurs réformes, à commencer par la législation sur les armes à feu. A l’époque, le port d’armes était autorisé dès l’âge de 15 ans. Une limite qui est passée à 18 ans, puis 20 ans grâce à une loi introduite en 2011, rendant aussi obligatoire la réussite d’un test d’aptitude.
Un pays surarmé
Une réforme conséquente pour ce pays, qui est l’un des plus armés au monde. Selon un sondage réalisé en 2017 par Small Arms Survey, la Finlande compte 32 armes à feu pour 100 habitants (contre 19 en France), faisant du pays nordique le deuxième Etat le plus armé de l’Union européenne, après Chypre. Mais si le taux de décès par armes à feu est plus élevé en Finlande qu’en Suède ou en Norvège, il reste bien inférieur à celui de la France, ou encore des Etats-Unis. «Pourtant, l’affaire d’hier montre que le contrôle n’est pas 100 % garanti…», pointe Tomi Kiilakoski. Le suspect aurait utilisé une arme qui appartenait à un proche, a déclaré la police, sans fournir plus d’informations.
Mais il n’y a pas que la législation autour du port d’armes qui a été réformée. Dans les écoles aussi, «beaucoup a été fait depuis» les fusillades de 2007 et 2008, insiste Samu Seitsalo, directeur de l’Agence nationale finlandaise pour l’éducation. En termes de sécurité d’abord, par exemple à travers la mise en place d’issues de secours dans les salles de classe. Mais pas que. «Les écoles disposent également de mesures préventives, telles que des programmes de lutte contre le harcèlement et un contenu éducatif axé sur l’expression personnelle, le dialogue et la discussion autour de questions controversées», souligne Pia Koirikivi, docteure en sciences de l’éducation.
Le harcèlement, «un problème majeur»
Lors des interrogatoires, l’auteur présumé des tirs a justifié son geste par le «harcèlement» dont il était «victime», a annoncé la police ce mercredi. La preuve, selon Pia Koirikivi, que d’importantes lacunes subsistent dans le système éducatif. «Les actes de harcèlement et de violence à l’école, dont de nombreux élèves sont malheureusement victimes malgré les diverses initiatives prises pour y remédier, constituent un problème majeur qui ne cesse de se poser, et à tous les niveaux d’enseignement».
Interview
Face à ces manquements, la docteure en sciences de l’éducation appelle à former encore davantage le personnel éducatif au bien-être des enfants. «Les établissements d’enseignement devraient disposer de meilleures capacités pour prévenir, reconnaître et arrêter tous les types de harcèlement et de violences qui ont lieu dans les écoles ou en ligne entre les élèves». Selon Tomi Kiilakoski, qui cite un sondage réalisé en 2021, «30 % des élèves qui ont parlé à des adultes du harcèlement subi à l’école ont estimé que les brimades avaient continué ou s’étaient aggravées».
Pour l’heure, toutefois, difficile de tirer des conclusions de la fusillade qui a dévasté le pays ce mardi. «Laissons le temps aux autorités et à la police d’enquêter. Une fois que nous connaîtrons les faits, nous pourrons voir de quelle manière améliorer le système», concède Samu Seitsalo. En attendant, insistent les autorités, l’essentiel est d’être présent pour les enfants et pour les jeunes. «Certains élèves sont traumatisés, et beaucoup se demandent s’ils sont en sécurité, acquiesce Tomi Kiilakoski Ces craintes doivent être prises en compte, et le plus rapidement possible». L’objectif, insiste le chercheur : que cette attaque soit enfin la dernière.